Attention le prix de la revue Le Banian a augmenté : 9 euros (au lieu de 8 euros). Disponible à la librairie Sudestasie, 17 rue du Cardinal Lemoine, 75005 Paris, ou par courriel afi.pasar-malam@wanadoo.fr (payable par chèque 12 euros (frais d'envoi compris), à l'ordre de Pasar Malam, 14 rue du Cardinal Lemoine, 75005).
Sommaire Le Banian n°12 > Décembre 2011, ISSN : 1779-8485, ISBN : 978-2-9525727-8-1 Revue publiée avec le concours du Centre National du Livre
2 Johanna Lederer > EditoL’Homme : de Koesno Sosrodihardjo à Soekarno5 Sita Satoeti Phulpin > Qui est Bung Karno ?9 Dominique Maison > Entre ombre et lumière : une courte biographie de Soekarno23 Étienne Naveau > Soekarno pluriel61 Dwi Noverini Djenar > Soekarno sur Soekarno75 Kunang Helmi > Ma première coupe de cheveux à Yogyakarta77 Enrico Soekarno > Encres82 Putu Oka Sukanta > poèmeL’œuvre : de l’empire à l’héritage84 Stéphane Dovert > Soekarno et l’Indonésie :un « grand homme « pour un « grand empire » ?99 Anda Djoehana Wiradikarta > Soekarno et Aceh106 John Roosa > Le dernier combat de Soekarno119 Bakri Arbie > La politique énergétique du président Soekarno130 Arnaud Leroux > Un héritage de béton et d’asphalte140 Sungkono > Poème143 Ridzki Noviansyah > Portfolio149 Sita Satoeti Phulpin > Mots croisésRubriques150 L’indonésien, langue exotique ? > Ana Larderet154 Compte-rendu de lecture > Gerry Van Klinken > Pieter Drooglever166 Pages retrouvées > Georges Voisset > 1955-56 : échos de Bandung à Paris173 Les bonnes feuilles > A. Umar Said > Histoire de ma vie.......................................................................................................................................................
De Sabang à Merauke ! 1
L’éditorial de Johanna Lederer
Émile Durkheim disait que : « susciter des hommes de génie, c’est créer dans la nation de dangereuses inégalités ; c’est se préparer des maîtres».
Dans le cas de Soekarno, que je tiens pour un génie, il ne fut pas un maître. Il a été d’abord un combattant pour l’indépendance, donnant fierté au peuple indonésien et inquiétude aux puissants du monde, un pacificateur ensuite et, enfin, un unificateur d’une vaste nation qu’il a contribué à bâtir.
Mais en lisant Le Banian n° 12, on se pose la question de savoir si Bung Karno, ce grand frère, si jovial, si charmant, avait involontairement préparé le terrain au maître sanguinaire Soeharto ? « Peu de dirigeants politiques des temps modernes ont suscité autant de sentiments contradictoires que Soekarno. « J’ai été maudit comme un brigand et adoré comme un dieu » reconnaît-il dans son autobiographie.» Ainsi s’ouvre Soekarno Pluriel, l’article d’Étienne Naveau, qui trace des pistes captivantes nous conduisant, fascinés, vers un portrait contrasté du premier président d’Indonésie. Le ton est donné.
L’homme, né Koesno Sosrodihardjo le 6 juin 1901, ne laisse pas indifférent et ne lasse pas nos efforts pour imaginer des cours différents de l’Histoire : que serait l’Indonésie aujourd’hui si Soekarno avait… ou n’avait pas…
Au travers des différents écrits et rubriques (dont une nouvelle proposant des mots croisés !), nous voyons se dégager deux couleurs franches qui dominent le tableau du fondateur de la nation : d’une part la curiosité des jeunes, éduqués dans l’ignorance de ce « grand frère » à l’époque de Soeharto, et d’autre part, l’admiration – qui malgré tout prévaut – pour Bung Karno que la bravoure avait accompagné jusqu’à la fin. Si chaque article de ce numéro, spécial Soekarno, est bien un trait dessinant d’une main sûre un portait détaillé de celui qui aurait eu 110 ans cette année, nous ne connaîtrons cependant qu’une petite fraction de l’homme et de ses actions … (2)
Umar Said, décédé en octobre dernier, compte lui aussi au nombre des héros. En même temps qu’à Soekarno, ce Banian de décembre entend rendre hommage à un homme dont le destin avait épousé l’Histoire. Vers la fin du numéro on peut lire un extrait de son autobiographie, à paraître en septembre 2012 dans la Collection du Banian (Association Pasar Malam).
Comme pour chaque Banian, je dépends entièrement de l’équipe qui me fait l’honneur de m’assister, tout au long des six mois que dure la gestation d’un numéro. Et puisque nous sommes dans l’hommage, je salue les membres du comité de rédaction ainsi que les traducteurs, avec grand respect pour tout le travail qu’ils effectuent bénévolement mais scrupuleusement.
Enfin, ne dérogeons pas aux us et coutumes de fin d’année :
bonne année 2012 !
1 Sabang est une ville qui se trouve dans la petite île de Weh, au nord de Sumatra, c’est l’île la plus occidentale de l’archipel. Merauke est située en Papouasie occidentale, près de la frontière de la Papouasie Nouvelle Guinée, c’est la ville la plus orientale de l’Indonésie.
2 Pour en savoir plus :
Cayrac-Blanchard, Françoise, Indonésie, l’armée et le pouvoir, L’Harmattan, 1991
Vittachi, Tarzie, La Chute de Sukarno, Gallimard (238 pages), 1967
Sukarno, An Autobiography as told to Cindy Adams, 1966
Rudolf Mrázek, Sjahrir: politics and exile in Indonesia, SEAP 1994
La quête de Semar c’est, au travers de la quête du personnage du théâtre d’ombres javanais, Semar, la quête de soi, de son être profond, et celle aussi de l’authenticité, de la pureté et de l’humilité dans une société en proie au mal-être et aux affres de l’argent, du sexe et du pouvoir. Ce conte philosophique plonge d’abord le lecteur dans le monde mythologique du Mahâbhârata, épopée sanskrite à la base du théâtre javanais, pour ensuite évoluer vers la réalité de la société indonésienne moderne, victime d’une urbanisation sauvage, puis replonger dans la mystique ancrée dans tout spectacle de wayang kulit. L’auteur nous entraîne ainsi dans un cercle étourdissant qui nous fascine et nous interpelle. Il s’agit de la première traduction française d’un ouvrage de cet auteur. Gabriel Possenti Sindhunata est né à Kota Batu, Java-Est, Indonésie, le 12 mai 1952. Prêtre jésuite, travaillant au collège de Saint-Ignace à Yogyakarta, il est aussi écrivain et rédacteur en chef du magazine culturel «BASIS». Après des études théologiques à l'Institut de Théologie et de Philosophie Kentungan, Yogyakarta en 1983, il obtient un doctorat de Philosophie à la Hochschule für Philosophie à Munich en 1992.
Prix 15 euros, version bilingue
Traduction de l'indonésien et présentation Nathalie Belin Ridwan
Avant-propos Michel Cazenave
120 pages ISBN 978-2-9525727-7-4, EAN 9782952572774 Conception graphique Thomas Frisch www.eyrac.com
Disponible à l'association Pasar Malam ou à la librairie Sudestasie, 17 rue du Cardinal Lemoine, 75005 Paris.
PASAR MALAM
Association franco-indonésienne – Loi 1901
14 rue du Cardinal Lemoine - 75005 Paris
L’association franco-indonésienne Pasar Malam (foire nocturne en indonésien, en référence à un des romans du grand écrivain indonésien Pramoedya Ananta Toer) veut contribuer à la compréhension et à l’amitié entre les peuples français et indonésien.
Dans ce but, elle organise des soirées destinées à rassembler, autour d’un thème les adhérents et tous ceux intéressés -Français et Indonésiens de Paris- par la culture indonésienne. Le terme culture sera pris ici dans son acception large.
L’association franco-indonésienne Pasar Malam souhaite faire connaître toute la richesse culturelle indonésienne, ancienne et contemporaine, à travers des dîners-débats, conférences, expositions, films, rencontres avec des artistes et des intellectuels français et indonésiens, ainsi qu’à travers d’une revue semestrielle Le Banian et des livres indonésiens traduits en français publiés au sein de son programme éditorial « Collection du Banian »..
Devise
Bhinneka Tunggal Ika (Unité dans la diversité)
Le pays
La géographie et l’histoire ont fait de l’Indonésie un pays d’une grande diversité, naturelle et culturelle, et d’une grande beauté.
C’est le plus grand archipel du monde. Elle est composée de plus de 10 000 îles réparties sur 5000 km d’ouest en est et sur 2 000 km du nord au sud. Ces îles représentent une superficie de terres émergées de près de 2 millions de km².
L’archipel est à cheval sur l’équateur et jouit d’un climat modérément chaud, avec une température qui oscille entre 25° et 30° C tout le long de l’année.
L’Indonésie offre d’innombrables plages. Ses mers intérieures abritent une des plus grandes biodiversités marines au monde. A cheval sur la ligne Wallace, l’Indonésie a une faune et une flore également d’une grande diversité. Situé sur la « ceinture de feu » du Pacifique, l’archipel possède un grand nombre de volcans qui donnent un caractère spectaculaire au paysage.
Les habitants
Culturellement, l’hindouisme a profondément marqué la majorité de la population. L’influence de la culture chinoise, pour être moins visible, n’en est pas moins réelle. L’islam est ensuite arrivé avec des marchands indiens et chinois. Il mettra plus de cinq siècles à se diffuser et est aujourd’hui la religion de la majorité des Indonésiens. Enfin, l’arrivée des Européens et la colonisation ont laissé à leur tour une marque durable.
La République d’Indonésie est un pays divers sur les plans ethnique, culturel et religieux.
Les dimensions de l’Indonésie, que ce soit d’un point de vue géographique, économique ou humain, sont une raison de s’intéresser à elle. La beauté du pays, celle de sa nature comme de sa culture, ne peuvent qu’augmenter son attrait.
L’économie
Avec plus de 230 millions d’habitants, l’Indonésie est le 4e pays du monde après la Chine, l’Inde et les Etats-Unis. L’Indonésie a des richesses minérales et pétrolières.
Elle a surtout une agriculture bien développée. Le pays compte parmi les grands mondiaux pour le caoutchouc naturel, le café, le cacao, le thé, l’huile de palme. Avec ses mers poissonneuses et ses milliers de kilomètres de côtes, l’Indonésie a également un immense potentiel marin.
Elle dispose aujourd’hui d’un appareil industriel important, essentiellement implanté sur Java, l’île principale avec plus de 120 millions d’habitants, ainsi qu’un réservoir non négligeable de compétences technologiques.
Enfin, la richesse naturelle et culturelle de l’Indonésie lui donne un énorme potentiel touristique, encore peu exploité en dehors de Bali.
Les recherches des 20 dernières années montrent que 300 ou 400 ans avant Jésus Christ, des marins et marchands indonésiens « découvrent » l’Inde et inaugurent une longue période d’échanges, d’abord commerciaux, puis culturels. Plus tard, les Indonésiens développeront des échanges avec la Chine. L’essor du commerce direct entre l’Inde et la Chine augmentera l’importance stratégique de l’Indonésie, située au point de rencontre des océans Indien et Pacifique et escale obligée sur les routes maritimes qui relient les deux grandes aires de civilisation.
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Asosiasi Prancis-Indonesia Pasar Malam
Tujuan Asosiasi Prancis-Indonesia yang dinamakan Pasar Malam adalah untuk membangun dan menggalakkan saling-pengertian dan persahabatan antara rakyat-rakyat Prancis dan Indonesia.
Untuk mencapai tujuan itu diusahakan tiga jenis kegiatan :
Malam-malam Silaturahmi yang diselenggarakan berdasar suatu tema khusus, terbuka bagi para anggota asosiasi dan semua pihak yang beminat pada kebudayaan Indonesia, baik orang-orang Prancis mau pun Indonesia. Istilah “kebudayaan” di sini mempunyai makna dalam arti seluas-luasnya, sastra, seni, ilmu pengetahuan, politik, pariwisata, dan sebagainya. Sepenuhnya sejalan dengan bidang-bidang kegiatan itu, Asosiasi Pasar Malam pun ingin meningkatkan lebih lanjut pengetahuan orang-orang Indonesia di Prancis mengenai apa yang dapat diberikan oleh Prancis dalam bidang-bidang yang disebut di atas. Misalnya berupa kegiatan berdebat, berbagai pagelaran, pertujukan film, dan pertemuan-pertemuan antara seniman dan kaum intelektual Indonesia dan Prancis.
Menerbitkan warkat-bulanan Le Banian untuk mengabarkan tentang kegiatan-kegaiatan yang sedang dikerjakan oleh asosiasi, termasuk buku menyangkut Indonesia diterjemahkan ke dalam bahasa Prancis.
Pertemuan Tahunan yang penting, berfungsi sebagai pentas untuk menggelarkan betapa kayanya peradaban Indonesia : tari-tarian, berbagai jenis pewayangan, masakan, sastra serta kerajinan tangan – tradisional mau pun kontemporer, lukisan dan sebagainya.
Kami mengharapkan bahwa dengan cara demikian akan dapat merangsang keinginan publik Prancis untuk berkujung ke Indonesia agar mereka dapat menghargai kebudayaan Indonesia dalam lingkungannya sendiri, begitu pun untuk melihat sendiri betapa indahnya alam Indonesia.
Tous les deux ans :
Journée pour la littérature indonésienne |
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| journée 2010 | journée 2008 | journée 2006 | journée 2004 | Journée 2004Lundi 4 Octobre 2004L'écrivain engagé et son éditeur : un métier de tous les dangers. Merci à Willem qui a offert l'illustration Films, conférences et tables rondes réuniront écrivains, éditeurs, chercheurs et public. |
Le Chant à quatre mains. Pantouns et autres poèmes d’amour, bilingue français/indonésien, Paris, présentation, commentaire, traduction par Georges Voisset. Postface par Claude Hagège. 250 exemplaires sont numérotés de 1 à 250.
Ouvrir cette collection par un recueil de pantouns indonésiens et malais présentés par Georges Voisset a plusieurs motivations. D’abord, l’ambition de celle-ci est de contribuer à une meilleure visibilité, en français, de ces grandes littératures variées qu’abrite l’Archipel indonésien, et il n’a pas paru déraisonnable de commencer avec un genre qui est, indiscutablement, le fleuron de cet univers de poésie : le pantun (pantoun). D’autant que ce genre se prête particulièrement bien à l’inauguration d’un ouvrage bilingue. C’est chose si rare ! Toutefois, ce recueil est loin d’être une simple compilation de pantouns. A travers une sélection de quelque cent cinquante poèmes, l’auteur propose une véritable promenade commentée dans plusieurs mondes qui s’entrecroisent : le monde de l’Archipel d’antan, bien sûr, sa poésie exotique, et notamment érotique, en premier lieu. Car l’Amour est le grand thème qui traverse ces pages. Mais tout autour, de nombreuses ‘sonorités’ se font écho, qui donnent à cette « collection » de petits quatrains une profondeur toute nouvelle : on découvre ainsi des textes dans leurs versions chinoise, polonaise, kiswahili, bretonne. Leur élan poétique a permis cela. Et encore, d’autres formes poétiques plus ou moins similaires, en résonance – arménienne, vietnamienne, tamoule. Enfin, nombre de grands noms de la poésie des quatre coins de la planète – et d’autres moins fameux – reflètent ces parcours : de Jaufré Rudel à Omar Khayam, de Tiruvalluvar à Nerval, de Rabearivelo à W.S. Auden, de Bilhana à Hugo...
Le chant à quatre mains. Pantouns et autres poèmes d’amour, Georges Voisset 18 euros Dépôt légal 1er trimestre 2010 / Achevé d’imprimer par CPI en février 2010 218 pages, présentation, commentaire, traduction par Georges Voisset Postface par Claude Hagège 250 exemplaires sont numérotés de 1 à 250 Conception graphique Thomas Frisch www.eyrac.com
Recueillement de Iwan Simatupang. Traduit de l'indonésien par Monique Zaini-Lajoubert, préface d'Étienne Naveau, introduction de Monique Zaini-Lajoubert, dessins originaux Thomas Frisch.
Dans l’histoire de la littérature indonésienne, Iwan Simatupang (1928-1970) fait figure de novateur. Il a en effet totalement rompu avec la tradition du réalisme formel des œuvres écrites avant lui. Ceci n’est pas un événement fortuit. C’est un processus entièrement conscient de l’auteur. Son but était de créer un « nouveau roman ». On peut dire qu’il est arrivé à ses fins. Ses romans, en particulier Recueillement, ne ressemblent en rien à ce qui existait avant. Recueillement, avec son style très personnel, son humour et ses personnages au comportement absurde et exagéré, est en fait le récit du profond désespoir que ressent le héros à la suite du décès de sa femme, décès qui sera le prétexte à toute une réflexion sur la vie et la mort. Cette tragédie va bouleverser entièrement sa vie et, indirectement, celle de son entourage. Ce héros, sans nom, est un peintre de talent qui, après la mort de sa femme, abandonne la peinture. Il est prêt à faire tout travail, à condition qu’il ne dure pas plus de cinq heures d’affilées par jour, qu’il ne se poursuive pas après le coucher du soleil et qu’il n’ait aucun rapport avec la mort. Chaque soir, il s'enivre, appelle « Dieu comme un sourd », crie « à tue-tête le nom de sa femme », pleure « bruyamment » et rit « enfin aux éclats ». S’étant habitués à ce comportement, les gens le trouvaient normal. Mais lorsqu’un jour, le directeur du cimetière, où était enterrée sa femme, désireux d’observer ses réactions, lui proposa de badigeonner les murs du cimetière, à la surprise générale, il accepta et ne se comporta plus de façon étrange comme il le faisait chaque soir.
Traduit de l'indonésien par Monique Zaini-Lajoubert Titre original : Ziarah (Djakarta, Djambatan, 1969, 177 p.). Préface d'Étienne Naveau et introduction de Monique Zaini-Lajoubert ISBN : 978-2-95257-274-3 - Prix : 15 euros Collection du Banian/ Association Pasar Malam Format : 13 x 19 cm Reliure : 204 pages Conception graphique, couverture et dessins : Thomas Frisch Imprimé par CPI Firmin-Didot
L’Association Pasar Malam publie son troisième ouvrage dans la Collection du Banian :
A travers les glaces, nouvelles de Djenar Maesa Ayu
En version bilingue
Traduction de l'indonésien par Renaud Barne, Maïté Fréchard, Françoise Jacquelin, Pascale Jacquemin, Etienne Naveau, Nicole Riesenmey, Serge Streicher, Nathalie Wirja, sous la direction d'Etienne Naveau. Préface de Bernard Chambaz, postface de Étienne Naveau. Remerciements à Angela Kristanto, Halidah Ilahude, Reva Januarty, Rosa Hanan, Saraswati Gramich, Sita Satoeti, Sofia Sudarma, Tri Lestari.
Que l'Indonésie reste une matière de rêve où le gamelan relance l'histoire-géo, il suffit que j'ouvre mon Voyage à Java qui date de la fin du Second Empire et dont la treizième édition, la mienne, date de 1881 pour que j'en vérifie la puissance. Le comte de Beauvoir se plaçait sous l'égide sobre et judicieuse de La Fontaine : "J'étais là ; telle chose m'advint" et commençait sa narration par une semaine à Batavia où les berceaux de feuillage ombragent les rues et où les odeurs pestilentielles vous envoient outre-monde en deux coups de cuiller à pot.
Il paraît que les spécialistes répertorient Djenar Maesa Ayu du côté de la "littérature parfumée", je ne saurais dire, mais je me rappelle tout à coup "des odeurs combinées du goudron, du musc et de l'huile de coco", c'est dans l'invitation au voyage et en général on ne range pas Baudelaire dans la catégorie des parfumés malgré son goût pour les flacons. Par chance, L'invitation se situe entre l'horloge et le don des fées, de sorte qu'on se croirait revenu dans ce recueil de nouvelles où les montres et les fées sont aussi importantes que les miroirs. Baudelaire envisage ce pays comme un pays de cocagne planté de cocotiers où "les miroirs (...) jouent pour les yeux une symphonie muette et mystérieuse (...) comme un revenez-y de Sumatra".
Djenar Maesa Ayu est jeune, elle n'évoque ni la conférence de Bandung ni le général Soeharto, elle a son monde qui peut nous surprendre mais qui ressemble aussi au nôtre. Le temps qui passe est un sujet commun, la coupe du monde de football et l'amour aussi. S'il y a des oiseaux, c'est tout sauf un lieu commun. Au passage, je remarque que là-bas on verse des fleurs sur les tombes quand nous en déposons. La plaza Senayan est un écho de Djakarta qui sonne comme un relais moderne de Borobudur. Dans le rêve de Nayla, les nuages ont la forme d'une perle ou d'un éléphant. Ailleurs quelqu'un transforme le noir en blanc (ce qui nous semble classique) et le rouge en mauve (ce qui l'est moins) sans présumer des rouge jambu ou pas jambu qui est une espèce de prune et des mauve comme on en trouve chez le comte de Beauvoir et tous les voyageurs qui gardent les yeux ouverts le soir. Enfin j'aime que le recueil soit parsemé de notes d'humour : "avec mes remerciements au cocktail mojito". Renseignements pris, il faut du rhum blanc, de la menthe fraîche et des citrons verts.
Bernard Chambaz
A travers les glaces de Djenar Maesa Ayu Recueil de nouvelles traduites de l'indonésien par Renaud Barne, Maïté Fréchard, Françoise Jacquelin, Pascale Jacquemin, Étienne Naveau, Nicole Riesenmey, Serge Streicher, Nathalie Wirja, sous la direction d'Étienne Naveau. Préface de Bernard Chambaz et postface d'Étienne Naveau ISBN 978-2-9525727-5-0 Edité à Paris par Association Pasar Malam Prix : 15 euros (hors frais d'envoi) Format : 13 x 19 cm Reliure : 156 pages Conception graphique Thomas Frisch Imprimé par CPI Firmin-Didot
INDONESIE : Pionniers des temps modernes
Les explorateurs de leur époque
Illustration couverture : « Tout ce que Superman sait faire, Petruk le fait », 2010, technique mixte, huile sur toile, Sri Astari, avec son aimable autorisation.
Éditorial Johanna Lederer
Le héros classique se présente le plus souvent sous les traits d'un homme paré de qualités extraordinaires. Un rapide coup d'œil dans la mythologie grecque, notamment dans les tragédies d’Eschyle, nous apprend que le héros vit des conflits comparables à ceux des divinités. À moins que ce ne soit le contraire.
Tel n'est pas le cas des héros modernes de ce numéro 11 du Banian. Les héros ici sont souvent des ... héroïnes, pionnières dans un domaine chacun bien à elles.
Kartini, la primordiale, la reine d'entre toutes. Non pas pour des raisons linguistiques ― elle n'a pas été la seule, ni la première à avoir écrit directement en néerlandais ― mais pour sa détermination toute en douceur, sans violence, telle la « bouddhiste » javanaise qu'elle fut, comme nous pouvons le lire dans l'article d'Étienne Naveau, un bel hommage à l'intelligence de cette femme, à la fois tourmentée et sereine. Disparue trop jeune, on retient d'elle son amour pacifique du progrès. Du haut de ses vingt ans, R. A. Kartini savait formuler et définir ses objectifs : défendre la cause du peuple, mais aussi celle de la femme. Le premier, victime de la loi du colonisateur, la deuxième, doublement victime de la loi des hommes et du colonisateur. Et, en fait, triplement victime, comme le souligne Étienne Naveau : les femmes étaient soumises à l'autorité de leur père, frère, mari, à l'autorité de l'occupant hollandais, enfin à celle d’une interprétation conservatrice de l’islam.
R. A. Kartini avait des sœurs. Ainsi, dans l'article de Gita Murti, vous pouvez rencontrer, page 47, la combattante acihaise Cut Nyak Dhien et apprendre qu'il y eut d'autres femmes, héroïques, à qui le destin de certains royaumes d'Aceh (Sumatra) fut confié. S'il ne s'agit pas à proprement parler d'un article historique, il témoigne de l'ardeur d'une Indonésienne envers une des héroïnes de son panthéon. Ceci, indirectement, peut nous apprendre quelque chose sur le rapport "mythique" que les Indonésiens ont à leur histoire. Nous avons aussi pensé qu'il est important de montrer que l'archipel a produit des femmes capables d'assumer des rôles dirigeants, comme Cut Nyak Dhien, chef militaire commandant toute une armée d’hommes. Ces femmes n'avaient pas à rougir de leur position sociale devant leurs contemporains féminins occidentaux.
En fin de ce numéro 11, faites connaissance avec la Soundanaise (Java ouest), Soewarsih Djojopoespito, l’insoumise, la « désobéissante civile ». Comme Kartini l'aristocrate, Soewarsih, issue d'un milieu modeste, écrit en néerlandais et, comme Kartini, elle est consciente de la place que les Indonésien(ne)s doivent prendre dans les années immédiatement avant l'indépendance.
Gerard Termorshuizen, nous rappelle ce que S. Djojopoespito (dont un extrait de la notice nécrologique est reproduit à la page 223) écrivait à propos du rôle politique que devait jouer la jeunesse indonésienne : " (...) pour nous, jeunes Indonésiens il n'y a pas de jeunesse. Une fois l'école terminée, une tâche difficile nous attend, celle d'être les dirigeants de notre peuple". Elle mènera une vie plus longue que Kartini et plus âpre aussi. Comme le montrent les extraits de son roman autobiographique Buiten het Gareel (Hors du joug), écrit en 1940 et traduit en 1975 par l'auteure elle-même sous le titre Manusia Bebas, ("Les hommes libres") ― extraits sélectionnés, commentés et traduits par Jacqueline Camus ― Soewarsih Djojopoespito fait le choix de mettre sa formation au service de son peuple. Elle opte résolument pour l’enseignement dans des écoles "sauvages" non subventionnées et pourchassées par le colonisateur hollandais. Elle reste pauvre, et préfère ne pas rester "in het gareel", à l'intérieur d'un système, qui certes garantit une existence plus confortable sur tous les plans, mais infiniment conventionnelle, où l'individu n'a plus rien à faire que de se soumettre aveuglément, comme un bœuf harnaché, à l'autorité d'un maître capricieux et inique.
Si Kartini, Cut Nyak Dhien et Soewarsih ont atteint une certaine notoriété chez elles et hors des frontières, il n'y a pas de raison pour ne pas consacrer quelques lignes à la grande dame de Manado (Sulawesi). C'est ce qu'a fait avec talent Chrisvivany Lasut au sujet de son aînée compatriote Maria Maramis. Cette pionnière s'appuyant sur la culture et l'enseignement pour promouvoir le rôle social et politique des femmes, a contribué grandement à l'obtention pour les femmes, du droit de vote à des élections régionales, dès 1921!
S'il est vrai que des sujets comme la "politique éthique" (mise en place par le gouvernement hollandais en 1901, cette "mission civilisatrice" devait remplacer une politique où seuls comptaient les bénéfices à tirer d’une colonie), ou encore l' « exportation », dès 1873, des Javanais vers le Suriname pour y travailler sur des plantations (voir l'article par Dominique Maison) ne sont pas abordés par ces pionnières, chacune, selon leur origine et éducation initiale, fait preuve d'un courage absolu : emprunter et explorer ― seule ― des chemins qui ne figurent sur aucune carte …
Cela vaut aussi pour celles qui ne sont pas (encore?) déclarées officiellement "héroïnes nationales": bravo à Bénédicte Milcent, Julia Suryakusuma, Gabrielle Wittkop, ainsi qu'à Apsanti, peintre et Sonia Prabowo, photographe, toutes des femmes qui ont fait le choix conscient d'une profession qui est aussi et surtout une mission où hypocrisie et préjugés sont combattus pied à pied.
En somme des femmes comme vous et moi.
La témérité en plus !
Et les hommes, me direz-vous?
Il y en a !
Lisez les aventures que sont la vie du Comte de Beauvoir, de Daendels, Hadi Soesastro, Théodore Leschenault de la Tour, Pramoedya Ananta Toer, Rimbaud, Tan Malaka, Umar Said et vous saurez qu’eux aussi, tout comme leurs sœurs ci-dessus, sont des pionniers et des héros pour avoir fait ce qu'ils pouvaient, là où d'autres n'ont rien fait (mes excuses à Romain Rolland et Jean-Christophe !).
Pour terminer, nous vous souhaitons de bonnes vacances estivales et une excellente lecture !
Ne ratez pas la rubrique « Français, langue exotique ? », pas davantage que les poèmes de Marie-Claude Gavard, Ketut Yuliarsa (traduit par Kunang Helmi) et de Saut Situmorang (traduit par François-René Daillie), ni la photo de la statue du Prince Diponegoro de Martin Jenkins.
Et concluons avec Kartini : Oh c'est tout simplement merveilleux de vivre aujourd'hui! La transition de l'ancien vers le nouveau! (O heerlijk dat wij juist leven in deze tijd! De overgang van het oude in het nieuwe!).
Sommaire
- Éditorial, Johanna Lederer
- Encore une fois Kartini. Kartini ... sekali lagi, Étienne Naveau
- Le Monde des hommes fait une lectrice comblée, Apsanti Djokosujatno - La vie n’est pas une foire nocturne. Une lecture de Pramoedya au présent, Odile Loiret - Tan Malaka 1894-1949. Un Révolutionnaire indonésien, ou un Indonésien révolutionnaire, Robert Aarsse
- Cut Nyak Dhien : icône de la combattante musulmane du XIXe siècle à Aceh, Gita Loka Murti - Maria Maramis, pionnière de la cause des femmes indonésiennes , Chrisvivany Lasut
- Rouge éclat de colère, poème, Saut Situmorang, traduction François-René Daillie - Portfolio Sonia Prabowo - La conquête de Java : les dessous d’une invraisemblable débandade, Jean Rocher
- Première escale de l’expédition Baudin à Timor en 1801. Impressions de Théodore Leschenault de la Tour. Botaniste de l’expédition, Martine Marin - Deux voyageurs français à Java, fin du XIXème siècle : le Comte de Beauvoir et Rimbaud , Philippe Grangé
-Scènes de la vie quotidienne, poèmes, Marie-Claude Gavard
- Rubrique Le français, langue exotique ? Wening Udasmoro - Java sur les rivages de l’Atlantique, ou les tribulations de la communauté javanaise du Suriname , Dominique Maison
- Hadi M. Soesastro : un pionnier indonésien contemporain ? Alexander C. Chandra et Lucky A. Lontoh, traduction Elisabeth Pouchous
- La belle personne, interview de Bénédicte Milcent par Elsbeth Monod
- Umar Said, cofondateur du restaurant Scop Fraternité Indonesia : un pionnier à part entière, François Vescia
- Point de vue : les héros de notre temps, des héros de Disneyland, Julia Suryakusuma, traduction Hélène Poitevin
- Si tu peux, poème, Ketut Yuliarsa, traduction Kunang Helmi
- Compte rendu de lecture : Carnets d’Asie de Gabrielle Wittkop, Jean-Claude Trutt
- Les bonnes feuilles du Banian : Suwarsih Djojopuspito, une pionnière. Manusia Bebas, ou les Hussards Noirs de la pré-République, Jacqueline Camus
- Résister à toute forme de pouvoir inique, Gerard Termorshuizen
Directeur de la publication : Johanna Lederer > Comité de rédaction : François-René Daillie, Dominique Maison, Etienne Naveau, Hélène Poitevin, > Radhar Panca Dahana, Georges Voisset, Monique Zaini-Lajoubert
Conception graphique : Thomas Frisch
© Pour les traductions et les illustrations
ISSN 1779-8485
ISBN 978-2-9525727-6-7
Prix 8 euros, 224 pages