Routes, transports et véhicules
à Gagny, sous l'Ancien régime.
L'horizon de nos ancêtres était extrêmement limité, et cela à un point qu'il nous est difficile d'appréhender, tant nous sommes habitués à nous déplacer avec aisance et commodité. Du berceau à la tombe, les vies s'écoulaient à l'ombre du clocher !
Gagny, ne faisait pas exception à la règle. On se déplaçait pour se rendre au labeur ou pour assister aux nombreux offices religieux qui rythmaient la vie quotidienne, et c'est tout !
Les premiers sentiers avaient été dessinés par les animaux sauvages, se fiant à un sens de l'orientation infaillible et à une meilleure appréhension du tracé efficace.
Nos anciens ont instinctivement utilisés ces pistes, pour en faire progressivement des sentes, puis des sentiers, puis des chemins et pour certains des chemins dits de grande communication. Ainsi sont nés les itinéraires que nous utilisons aujourd'hui.
Ainsi, par exemple, on se rendait au domaine de Maison-Blanche par le Chemin des 22 arpents.
Ce chemin, empruntait un axe plus important qui reliait Montfermeil au domaine de Ville-Evrard. Son trajet qui contournait la carrière par l'ouest, suivait l'actuelle rue de Franceville, longeait l'ex « Maison-Guyot, puis la rue Florian, le chemin des 22 arpents, l'actuelle avenue de Rambouillet et piquait plein sud à travers champs jusqu'à la Marne.
Une voie essentielle, mais ne concernant que peu Gagny, allait de Montfermeil à Champs, via Gournay. Elle suivait l'avenue des Arts (des bois à l'époque), dévalait le chemin de Montguichet et filait sur la pointe de Gournay, traversait la Marne, avant de grimper sur Champs.
De Gagny, on se rendait au domaine du Chesnay par la rue des Plâtriers, le Chemin vert (ancêtres des rues Jules Guesde et Jean Bouin), lequel longeait la carrière au sud, rejoignait le chemin de Meaux vers l'ancien pressoir, puis piquait sud-est vers la ferme. On continuait sur Chelles par l 'actuelle rue Ronsard.
Très rapidement par contre, l'accès au domaine de Maison-Rouge avait été facilité, en empruntant la voie importante, qui reliait Livry-Gargan à Noisy-le-Grand, via Neuilly-sur-Marne. Mais par tout temps, l'ascension du plateau restait problématique. Cette voie suivait à peu près le ru Saint-Baudile.
Enfin, le chemin aujourd'hui dénommé « avenue Henri Barbusse », allait du centre du village pour venir buter sur la rue de la Montagne-Savart, qui grimpait depuis le domaine de Launay à Villemomble, longeant la carrière de l'ouest, avant de rejoindre plus au nord l'axe Noisy-Livry pré-cité vers les »sept-Iles » et après avoir contourné le domaine de Maison-Rouge par l'ouest.
Aucune de ces voies de communication, n'aurait mérité aujourd'hui l'appellation de « route ». Ce n'était en fait qu'un complexe entrelacement primitif, souvent imposé par l'incroyable enchevêtrement des parcelles qu'il fallait contourner, et par le relief particulier du village, fait de plaines butant sur nos plateaux gypseux, telles les vagues sur les falaises d'Etretat, et de nombreux rus dévalant de ces plateaux.
Voilà à peu près le recensement des principales voies de communication que nos ancêtres gabiniens ont pu emprunter durant des siècles. Ils les utilisaient essentiellement pour aller vaquer à leurs tâches quotidiennes; soit pour mener les bêtes à la pâture, soit pour aller s'occuper de la vigne, soit encore pour se rendre à l'une des carrières qui occupaient bon nombre de nos anciens.
Le seul moyen de transport, c'était la marche à pied. On pouvait croiser quelques rares carrioles, mais point de cavaliers, point de diligence, point de calèche. Les denrées lourdes (barriques, pierres à gypse, etc.) sont transportées dans des chars rustiques tirés par un attelage de bœufs, entretenant le délabrement de nos rues.
Nous étions bien loin des embarras parisiens déjà d'actualité ! En effet, en 1294 Philippe le Bel qui vient de faire paver les rues de Paris et afin de ne pas les dégrader et d'endiguer les « bouchons », limite le nombre de charrettes en édictant que « nul bourgeois – habitant d'un bourg – ne possède charrette » Seules les dames de la noblesse peuvent désormais user de cet ancêtre rudimentaire du carrosse.
Il faudra encore attendre Henri IV, pour voir la création d'une charge de « grand voyer » confiée à Sully, et l'investissement de sommes considérables dans la réparation et la construction de routes et de ponts.
Et il faudra attendre encore bien longtemps, près de trois cent ans et l'avènement du second Empire, pour que Gagny finisse par se doter de routes pavées et éclairées, fort onéreuses certes, mais dont l'entretien posait beaucoup moins de problème.
Alain Ravassard
Société d'Histoire de Gagny
LE VIGNERON GABINIEN
- CONTEXTE :
Sous l'Ancien Régime et notamment en Île-de-France, les paysans ont pour la plupart planté sur leurs terres une rangée de ceps qui leur assurent un peu de vin pour leur consommation personnelle. Mais quelques-uns, plus spécialisés, sont déjà mentionnés comme vignerons dans les registres paroissiaux. C'est le cas à Gagny.
- GÉOGRAPHIE :
Implantation des plants de vignes gabiniens :
- LE CLOS DES COLLINES (rue Contant, plein sud)
- LE CLOS DES TROUS DE CHELLES (flanc sud de la carrière du centre)
- LE CLOS SAINT-PIERRE (flanc sud-est du plateau de Montguichet)
- LE CALENDRIER :
. La longue année viticole, commence traditionnellement le 22 janvier (Saint-Vincent), date à laquelle on solde les comptes de l'année passée, alors que le vin nouveau est en barrique.
En cette période hivernale, les propriétaires de vignes bourgeoises (gabiniens ou établissements religieux locaux) prennent à gage des vignerons pour l'année nouvelle.
. La véritable année viticole ne commence qu'en mars car on attend la fin des gelées (déjà !), qui peuvent détruire les bourgeons jusqu'à la fin mai, pour tailler la vigne, une taille courte « à deux yeux » qui assure la qualité en limitant la quantité. En même temps, le vigneron remplace les plants morts, soit en prenant des plants enracinés tirés des pépinières, soit en provignant (en couchant à terre un pied sain qui donnera trois ou quatre pieds nouveaux). Le vigneron gabinien préfère cette dernière méthode car elle ne coûte rien, si ce n'est de la peine, et parce qu'il est persuadé que la vigne ne peut se soutenir et perdurer qu'en étant régulièrement provignée.
. Ce faisant, l'aspect de la vigne se transforme rapidement. Plantée en ligne au moment de son établissement, elle devient très vite une vigne en foule (en désordre) car les pieds provignés partent dans tous les sens. Il faudra attendre les années 1880 pour voir apparaître des vignes bien alignées sur fil de fer, le piochage à la main (pas de charrue, pas de cheval) ayant disparu.
- De la fin mars au début avril, c'est le premier labour; travail pénible effectué à la houe (encore à cette époque, alors qu'au siècle dernier une houe gallo-romaine fut découverte par hasard rue Guillemeteau). En l'espace de trois semaines, le vigneron pioche ainsi un à deux hectares.
- Début mai le vigneron fiche les échalas (pieux de bois de chêne ou de châtaignier, longs d' 1,45 m) destinés à soutenir la vigne. Travail harassant qui suppose le maniement de plusieurs dizaines de milliers d'échalas, qu'on a ôtés de la vigne fin octobre, qu'on a rapportés à la maison pour les épointer, et qu'il faut de nouveau transporter.
- les échalas plantés, le vigneron donne un second (voire deuxième) labour, plus léger (le binage) et qui est terminé à la fin mai.
- La vigne fleurit et, courant juin les grains commencent à se former, le verjus grossit rapidement.
- En juillet, c'est le troisième labour (on dit que le vigneron rebine ou encore qu'il tierce).
- En septembre, si le temps est très humide, un quatrième labour peut être nécessaire pour permettre une maturation plus parfaite des raisins.
- Entre-temps, femmes et enfants sont passés dans les vignes pour ôter les vers ou insectes qui pullulent et qui s'attaquent à la feuille ou au fruit (gribouri ou pyrale). On a même recours aux processions et au Saint Sacrement pour se débarrasser de ces hôtes encombrants.
- On vendange fin septembre ou début octobre.
- C'est alors que les coupeurs serpette à la main (le sécateur n'apparaît qu'en 1840) emplissent les paniers et les vident dans leurs hottes. C'est le tour des hotteurs qui transfèrent les grappes dans leurs bachoues (grandes hottes placées sur le dos des ânes) en direction du pressoir du Chenay.
- LA PRODUCTION :
Vers 1780, l’Ile de France totalise un peu plus de 40000 hectares de vignoble. Mais c’est autour de Paris que la concentration est la plus forte. Gagny comptait environ 500 hectares, qui subsisteront jusqu’à la fin du XIXème siècle, lesquels produisaient déjà 50 hectolitres à l’hectare. En 1840, le rendement moyen passe régulièrement les 100 hectolitres.
- LA QUALITE :
A Gagny, seule la production de vin blanc fournie par des cépages sélectionnés a pu assurer un produit de qualité. Ainsi le chardonnay est le cépage qui s’implante le mieux dans notre région. C’est pourquoi dès le Moyen Age, nos vins se retrouvent non seulement sur la table des rois mais s’exportent aussi à l’étranger, en Angleterre et en Flandre notamment.
Ce vignoble de qualité se maintient jusqu’en plein XVIIème siècle. Mais le développement de la consommation populaire du vin, l’accroissement de la population entraînent l’augmentation de la production. Les cépages délicats sont progressivement abandonnés au profit de cépages grossiers, le gros gamay par exemple, afin de répondre à la demande du petit peuple. D’autant plus que les goûts évoluant, les vins blancs sont délaissés en faveur de vins plus colorés.
- LE DECLIN :
Nos vignobles commencent à péricliter à partir de la Révolution. Vers 1820-1825, au moment où< l’on établit le premier cadastre, la vigne a déjà reculé d’un tiers. A partir de 1850, le vignoble attaqué par une maladie encore inconnue (l’oïdium), recule encore car les vignerons se découragent, vu le coût du traitement à base de soufre. Le chemin de fer fait le reste en apportant à bas prix les vins du Midi.
La guerre de 1914-1918, l’urbanisation et l’industrialisation entraînent sa disparition.
- L’ESPOIR :
A Gagny, quelques amoureux nostalgiques ont repris, il y a une quinzaine d’années, la production d’un petit vin blanc dit « Clos des Collines ». Il s’améliore d’année en année et réveille dans nos papilles les vestiges d’un glorieux passé viticole.
Alain RAVASSARD
Société d'Histoire de Gagny
Noël 1870 à Gagny
C'est sur un malentendu (Casus belli : la dépêche d'Ems) que la guerre dite de 70, opposa à compter du 19 juillet 1870, le Second Empire français et les royaumes allemands unis derrière le royaume de Prusse, et ce jusqu'au 29 janvier 1871.
A Noël et depuis la mi-septembre, Gagny est toujours occupé et opprimé par des troupes saxonnes sans foi ni loi.
Depuis une semaine, il fait de plus en plus froid. Au gel, s'ajoutent la neige, la pluie et leurs cortèges de boues, de vent glacial et de souffrances.
Gagny est sous un feu d'artillerie incessant, opposant sans relâche les canons français en bronze à chargement par la bouche, positionnés sur le Plateau d'Avron et les Krupp saxons et leurs redoutables obus fusants à shrapnel, retranchés dans le Parc de Montguichet et sur les hauteurs de la Croix-Saint-Siméon.
Le 24 décembre, la température descend à -11°. Mais par miracle, la nuit de Noël se passe sans combat dans le secteur du Plateau d'Avron et pour une fois les canons se taisent. Il n'y a ni fête, ni réveillon pour les gabiniens : l'eau et le vin sont gelés et le pain ne peut être tranché qu'à coups de hache...
En ce jour de Noël, il n'y aura pas de cadeaux au pied de la cheminée, ce qui pour la plupart ne changera guère des années précédentes. Pas de fruits inhabituels, pas de poupée en chiffons confectionnée par la mère ou la grand-mère, pas de jouet en bois amoureusement bricolé par le père.
Mais en ce 25 décembre, la-haut sur le Plateau, deux sentinelles sont retrouvées gelées, telles deux statues qu'aucun sculpteur n'aurait osé imaginer.
Deux jours plus tard, à 8 heures du matin, les gabiniens engourdis seront réveillés par une canonnade d'une extrême violence : les prussiens ont démasqués toutes leur batteries : 60 pièces d'artillerie, dont celles de Gagny, disposées sur une demi-circonférence de 14 km de Gournay au Raincy, inondent le Plateau d'un déluge de fer. L'issue fatale de la guerre et du siège de Paris, ne fait plus de doutes. Dans un mois, la messe sera dite.
Mais Gagny devra encore attendre septembre pour voir le dernier saxon tourner monture...
Malgré tout, joyeux Noël à tous !
Alain RAVASSARD
Société d'Histoire de Gagny
Notre but : Faire découvrir l'histoire de notre ville au plus grand nombre.
Nos moyens : Collecter tous documents, plans, photos ou supports, susceptibles d'alimenter notre base de données. Nous sommes actuellement 15 membres, tous bénévoles. Notre lieu d'archivage et de réunion se situe à Gagny, dans le Château de Maison-Blanche, prochainement rénové.
- Création d'un livre relié et illustré, intitulé "Gagny, Rues et lieux-dits", en vente au Syndicat d'initiative de la commune, au prix de 37 € (40 € en version numérotée)
- Publication d'un article historique mensuel dans le Magazine municipal, à la rubrique "Gagny autrefois"
- 2 visites annuelles de la ville.
- 2 visites annuelles d'un quartier spécifique.
- Edition prochaine d'un livre intitulé "Gagny, chroniques villageoises, de la Révolution à la Grande guerre"
- Edition sous forme de bulletin trimestriel de la compilation des articles parus dans "Gagny-Magazine", depuis 6 ans.