21-09-2020  SOCIETE LIBRE

Régulation et évolution des concessions autoroutières

Le 14 août 2020, le soleil brillait sur toute la France. Nous étions, pour la plupart d'entre nous, en vacances. Une douce quiétude baignait le pays. Dans le ministère de la transition écologique et des transports, une petite ruche s'affairait. Des petites mains mettaient la dernière touche à un mystérieux décret intitulé : "Décret 2020-1061 du 14 août 2020 relatif aux conditions de classement de certaines sections de routes dans la catégorie des autoroutes." (1)

Ce discret décret d'application de la loi d'orientation des mobilités (LOM de décembre 2019) offre au gouvernement la possibilité de céder au privé des kilomètres de routes nationales.

Le décret du 7 octobre 2019 portant classement dans la catégorie des autoroutes d'une section de la route nationale n° 79 en Saône-et-Loire était en fait un galop d'essai. Si personne ne dit rien, pourquoi se gêner. Et pourtant, le Sénat de son côté, bougeait. Le vendredi 18 septembre 2020, Vincent Delahaye, rapporteur, a présenté à la presse les conclusions de la commission d'enquête d'une durée de huit mois sur le contrôle, la régulation et l'évolution des concessions autoroutières.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que les conclusions de cette commission ne vont pas dans le sens souhaité par le gouvernement : "Quinze ans après leur privatisation, la commission d'enquête s'est penchée sur la situation des sociétés autoroutières "historiques" dont la rentabilité est perçue comme excessive. Elle évalue à 6,5 milliards d'euros la perte de recettes pour l'État résultant du processus de cession (2002 2006) et constate que dans les contrats n'ayant pas fait l'objet d'une révision préalable, l'État est en position de faiblesse vis à vis des sociétés autoroutières."

Ainsi, alors que le Sénat juge qu'il est urgent de renégocier avec les groupes Vinci et Eiffage (qui vont, selon la commission, "atteindre la rentabilité attendue lors de la privatisation dix ans avant la fin de leurs concessions"), le gouvernement ouvre les routes nationales à la privatisation. Le Sénat préconise "l'organisation d'un sommet des autoroutes pour redéfinir l'équilibre économique des concessions", le gouvernement fait un nouveau cadeau aux sociétés concessionnaires.

L'argument avancé par le gouvernement est le coût des travaux à réaliser pour améliorer l'entretien des routes nationales parfois en très mauvais état. Ne soyons pas crédules. Si elles sont dans cet état, c'est tout simplement que l'Etat applique une vieille antienne ultralibérale : il commence par se désengager d'une de ses missions, pour ensuite constater la situation et brader à des intérêts privés ce qu'il a sciemment abandonné.

Ce raisonnement s'applique à la perfection dans le secteur ferroviaire. On commence par réduire le nombre de trains sur les petites lignes ce qui a pour effet de faire baisser la fréquentation. Devant ce constat, il ne reste plus qu'à les supprimer puisque non rentables. Dans le cas des routes nationales, une fois le montant des travaux chiffré, le chiffon de la rigueur budgétaire est agité pour en justifier la cession à des sociétés privées. Ces dernières n'ont plus qu'à se présenter comme des sauveurs providentiels, et exiger au passage une ristourne pour effectuer les travaux.

Le sénateur Hervey Maurey, dans une question au gouvernement, posait ainsi les termes de l'équation : "Les sociétés d'autoroute partent du constat qu'aujourd'hui l'état des voiries concédées n'est pas satisfaisant. Elles se proposent donc de récupérer ces sections en échange d'une prolongation de la durée des concessions." Plus philanthrope, tu meurs.

La réalité est plus sombre. L'Association des sociétés françaises d'autoroute (ASFA) précise tranquillement que : "le transfert de tout ou partie du réseau national soulagerait le budget de l'Etat, lui permettant de poursuivre les baisses d'impôts." Qu'en termes galants ces choses là sont dites.

Echanger une hypothétique baisse des impôts sur le revenu, dont on sait que près de 50% des français n'en paient pas, contre une hausse généralisée des tarifs des péages routiers que tous les conducteurs paieront, c'est un peu fort de café. C'est tout simplement faire payer l'entretien des routes nationales par les usagers des autoroutes.

Un président peut-il se permettre (2) de vendre ce que nos impôts ont financé sans nous consulter ? Pouvons nous accepter de voir vendu à des intérêts privés, dont on sait depuis la privatisation des autoroutes que l'intérêt général est cédé avec, ce que les français ont mis des années à construire et à payer ?

Quel serait le résultat d'un référendum avec une question simplement posée : Etes vous pour ou contre les privatisations ? Serait-ce trop demander à un président de la république de demander son avis au peuple souverain ? La démocratie exige que ce qui se fait en notre nom ait notre assentiment. Et ce n'est pas le cas.

En savoir plus
(1) Décret n° 2020-1061 du 14 août 2020 relatif aux conditions de classement de certaines sections de routes dans la catégorie des autoroutes

(2) Le programme électorale du candidat Macron ne prévoit aucune privatisation.

Ils vont privatiser nos barrages hydroélectriques

Les petits décrets de l'été
Secret des affaires renforcé - Association Anticor

Schéma national du maintien de l'ordre - Des changements qui piétinent les libertés

Juste après le Ségur de la santé, un décret pour supprimer des postes au sein de la fonction publique hospitalière : Décret n° 2020-1106 du 3 septembre 2020

Voici le tag Internet à sélectionner, à copier et à coller sans transformation dans la page du site où vous allez utiliser cet article. D'avance merci.

Sélection du texte ci-dessous
Régulation et évolution des concessions autoroutières 
Le 14 août 2020, le soleil brillait sur toute la France. Nous étions, pour la plupart d'entre nous, en vacances. Une douce quiétude baignait le pays. Dans le ministère de la transition écologique et des transports, une ...  <a href="https://www.loi1901.com/intranet/a_news/index_news.php?Id=2595" target="_blank">Lire la suite sur Loi1901.com</a>

Découvrir 10 autres articles



Depuis 1999 au service des associations
Jurisprudence, décrets, lois, etc.

Spectacle vivant : choisir les bons statuts pour bien exercer

17-12-2024

Le statut juridique adapté à l'exercice d'une activité professionnelle dans le secteur du spectacle vivant ne se détermine pas a priori. Il découle tout simplement de la nature de

Le juste glossaire pour dénommer les différents membres d'une association

17-12-2024

Il ne s'agit pas d'un jargon, mais plutôt d'une forme de lexique, que nous appellerons Glossaire. En effet, comment bien nommer les différentes strates d'une association ? Les

Panorama associatif numéro 115 : décembre 2024

17-12-2024

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

Egalité de traitement entre associations au sein d'une même collectivité

10-12-2024

Sur le Forum juridique de Loi1901, parmi toutes les questions posées, il y en a une qui revient très souvent. Comment dénoncer une inégalité de traitement entre associations au

Panorama associatif numéro 114 : décembre 2024

10-12-2024

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

Comment lutter contre la concurrence déloyale sur internet ?

10-12-2024

La concurrence déloyale entre associations existe, c'est un fait. Cela se vérifie d'autant plus sur internet. Certaines structures n'hésitent pas, pour capter l'audience d'un

Offrir des cadeaux à vos bénévoles pour les remercier

03-12-2024

Par principe, l'administration fiscale considère systématiquement que la distribution de cadeaux par une association à ses membres s'apparente à un partage de bénéfices interdit.

Responsabilité financière des dirigeants d'une association

03-12-2024

La responsabilité financière des dirigeants d'une association a toujours fait l'objet d'une certaine mansuétude, du moins dans le cas de petites structures, de la part de la

Dissolution administrative d'une association

03-12-2024

Depuis l'application de la loi du 24 août 2021 dite "séparatisme" et la signature du fumeux "contrat républicain", les dissolutions administratives augmentent plus vite que

Une mairie peut-elle encore prêter de l'argent à une association ?

26-11-2024

De nombreuses mesures récentes ont bouleversé les relations entre les associations et les collectivités territoriales. Ou encore les différentes lois de réforme territoriale

Découvrir 10 autres articles
La société dans tous ses états

Droits sociaux : le patrimoine de ceux qui n'en ont pas

17-12-2024

Il n'existe pas de définition reconnue et acceptée de la notion de droits sociaux. Mais on peut les définir comme l'ensemble des droits dont bénéficie un citoyen dans ses

On va finir par croire que la lutte contre la corruption est gênante

10-12-2024

L'article 2-23 du code de procédure pénale dispose que : "Toute association agréée déclarée depuis au moins cinq ans à la date de la constitution de partie civile, se proposant

Organismes sans but lucratif et les cryptomonnaies

03-12-2024

Le rapprochement des organismes sans but lucratif avec l'univers de la blockchain et des cryptomonnaies ne va pas naturellement de soi, c'est le moins que l'on puisse dire. Et

La branche du sport amateur au rapport

26-11-2024

Ce rapport (1) réalisé par l'Afdas compile les principaux résultats obtenus sur les 5 volets prévus dans le cahier des charges de l'étude : économique, social, santé et protection

Comment sortir de la crise démocratique : RAEF 2024 ?

19-11-2024

Le Rapport Annuel sur l'Etat de la France 2024 du CESE (1) tente de mettre en lumière les liens entre inégalités sociales et démocratie. Même si l'on peut noter un léger recul de

Comme un plan social à bas bruit

12-11-2024

Si le gouvernement refuse les 472 amendements déposés par les oppositions pour le budget 2025 et revient au texte initial avec un passage en force par 49.3, le secteur de

Contre la pauvreté, agir coûte moins cher que de ne rien faire

05-11-2024

La pauvreté coûte un "pognon de dingue" disait le 12 juin 2018, le président Macron à ses conseillers et rapidement "fuité" sur @X, histoire de faire le buzz et de préparer les

De la subvention à la commande publique : fragiles associations

29-10-2024

Les modèles socio-économiques des associations ont fait, par le passé, l'objet de débats importants. Mais aujourd'hui, elles semblent n'avoir que peu de place dans la Startup

Les faibles inégalités salariales au sein du secteur associatif

22-10-2024

Selon le baromètre des salaires de l'ESS, dans son édition 2024, le secteur associatif est marqué par de faibles inégalités salariales. Ce qui est plutôt remarquable. En revanche,

Le Service national universel ciblé par la Cour des comptes

15-10-2024

Le SNU, qui émarge au budget "jeunesse et vie associative", est expérimenté depuis 2019 pour une généralisation à tous les jeunes de 15 à 17 ans d'ici 2026. Mais la Cour des

Découvrir 10 autres articles
Un peu d'ESS dans nos associations

Transition écologique : où en sont les associations ?

17-12-2024

Pour aborder le plus sereinement possible ce sujet, voici une brève définition (1) de ce que veut dire la transition écologique : "un processus global qui vise à modifier nos

Rapport : Le soutien de l'État en matière de vie associative

10-12-2024

Quand l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) publie un rapport, c'est toujours à la fois novateur et factuel. Et la dernière publication "Le

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

03-12-2024

J'ai emprunté le titre de cet article à un poème d'Aragon mis en musique par Léo Ferré. Pourquoi cet emprunt ? Pour illustrer au plus près, une réalité devenue insoutenable dans

Faire plus avec moins : le nouveau mantra des pouvoirs publics aux associations

26-11-2024

Les associations sont, depuis toujours, en première ligne pour répondre aux besoins de nos concitoyens non couverts par l'État. En échange de cette implication, les pouvoirs

Et si on réinventait le système des subventions aux associations ?

19-11-2024

En septembre 2023, un collectif d'associations interpellait fermement la première ministre, Elisabeth Borne, avec un tonitruant "Le secteur associatif se meurt !". Au même

Quand la ruralité se réveillera

12-11-2024

Et si l'heure n'était plus à l'attentisme dans les territoires ruraux ? Les élus comme les acteurs associatifs ont lancé, il y a plusieurs années déjà, une solide réflexion autour

Le succès du service civique

05-11-2024

Alors que le SNU (Service National Universel) semble, à juste titre, vivre ses derniers jours, le Service Civique ne s'est jamais aussi bien porté. Créé par la loi du 10 mars

Quand un accord collectif est remis en cause

29-10-2024

La nullité des conventions et accords collectifs de travail reste un contentieux rare et assez récent, ce qui s'explique, en partie, par l'objet traditionnel de ces actes qui est

Fonds de dotation : les temps changent

22-10-2024

Le fonds de dotation est un organisme dit de "mécénat". Il est destiné à collecter des dons pour aider une structure à but non lucratif à réaliser une oeuvre ou une mission

Programmation 2021-2027 des fonds européens : place de l'ESS

15-10-2024

Tous les sept ans, l'UE révise la stratégie d'attribution des fonds européens pour répondre aux nouveaux défis de l'Union européenne ainsi qu'aux enjeux des territoires et des

Découvrir 10 autres articles
Abonnez-vous à Lettrasso+