Que la distribution du courrier ne soit plus une priorité pour la Poste d'aujourd'hui peut tout à fait se comprendre. Le courriel a remplacé le courrier. Et l'ouverture à la concurrence a achevé le reste. Mais, le quidam qui paie un timbre, le colle sur une enveloppe et expédie cette dernière dans une boite jaune sans savoir si sa missive sera reçue dans les délais donnés par le prestataire, ni même si elle arrivera, laisse songeur. Surtout depuis l'arrivée de la lettre suivie qui est réservée aux objets et documents de moins de 3 cm d'épaisseur pour lesquels le quidam souhaite connaître l'état de la distribution. Lettre ou pas, là s'impose la question. Un service de distribution de courriers qui invente une lettre qui est assurée d'arriver grâce au suivi de sa progression ne laisse pas d'inquiéter. Le timbre vert (0.97 euro à J+2) est appelé "écologique". Il est donc distribué à pieds je suppose. Le timbre rouge (1.16 euros à J+1) est "prioritaire" et la lettre suivie (1.42 euros à J+1) est suivie jusqu'à notre boite alors que les autres sont lâchées dans la nature. La société anonyme à capitaux 100% publics, La Poste S.A. est, depuis 2010, devenue un groupe "multiactivité" dont la distribution du courrier n'est plus qu'une des cinq branches d'activités. Il fallait s'adapter pour ne pas mourir, c'est fait. Mais pour qui vit à la campagne, cette mue se traduit par une distribution du courrier aléatoire, un facteur distant et parfois payant, une poste disparue au profit d'un dépôt. Encore massivement présente dans les grands centres urbains, la Poste a déserté nos campagnes (1). Elle concentre les centres de tri, au nom de la rationalisation, loin des villages desservis, imposant aux facteurs des tournées qui ressemblent de plus en plus à des rallyes chronométrés et géolocalisés. Si nos lettres arrivent de moins en moins vite, le facteur est lui, de plus en plus sous haute surveillance. Sur le site du Groupe La Poste, on peut lire ces lignes : "L'emploi de facteur, héritier de son ancien passé, est aussi résolument tourné vers l'avenir. Il s'habille en coton issu du commerce équitable, bouge à l'énergie électrique, adopte le web 2.0 (liseuse de courrier à code barres, ordinateur de poche) et s'apprête à diversifier ses tâches vers plus de services commerciaux auprès des personnes. " Cela donne envie de signer immédiatement, vous ne trouvez pas ? La réalité est très différente. La plupart ne sont plus fonctionnaires, mais contractuels et tous sont sur du sable mouvant, victimes d'un durcissement hiérarchique qui ne laisse rien passer et sanctionne tout écart. De l'agent au personnel de maîtrise, des cadres aux cadres supérieurs, il est demandé de faire toujours plus avec encore moins. Il y a encore quelques années, lorsqu'un agent était en difficulté, ses supérieurs essayaient de l'aider. Aujourd'hui, la nouvelle politique managériale le pointe du doigt avec remontrance humiliante, sanction et mise à pied. On assiste à une multiplication des arrêts maladie, des accidents de travail, des congés longs pour dépressions, des suicides. C'est, explique la direction en interne, le prix à payer pour une productivité accrue. Mais les multiples réorganisations sont arrivées à attaquer l'os. Il n'y a plus rien à gratter. Et dans cette souffrance généralisée, notre lettre se perd quelque part entre le tri et le vide de sens. Le terme "facteur" tient son origine du latin factum (facere : celui qui fait). S'il y en a un qui illustra parfaitement cette définition, c'est bien le facteur Ferdinand Cheval. Cet homme érigea, entre 1879 et 1922 un "Palais Idéal" reconnu comme Le chef d'oeuvre mondial de l'art brut et de l'architecture naïve, site classé au patrimoine des monuments historiques en 1969 par André Malraux. Après le facteur Cheval, arrivèrent sur de drôles d'oiseaux, des chevaliers du ciel aux noms aujourd'hui prestigieux : Mermoz, Saint-Exupéry, Guillaumet embauchés chez un certain Latécoère qui fonda l'Aéropostale en 1927 qui deviendra Air France en 1933. Mermoz qui sera le premier à relier d'un trait Saint-Louis au Sénégal à Natal au Brésil sur un Latécoère 28 le 13 mai 1930. Il ne s'agit pas de dire ici que c'était mieux avant. Mais avant, travailler pour le service publique avait un sens. L'application sans concession d'une économie de barbares sur nos vies, entraînent celles-ci vers une perte totale de repères. Or, il faut donner du sens à son travail, ne pas se sentir n'être que le petit rouage éjectable et corvéable. Ce moins que rien, qui ne sert que de variable d'ajustement pour agir sur le cours de l'action en bourse, d'une entreprise qui a perdu son âme comme elle perd nos lettres. En savoir plus Le bonjour est maintenant payant
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La Poste perd ses lettres de noblesse Que la distribution du courrier ne soit plus une priorité pour la Poste d'aujourd'hui peut tout à fait se comprendre. Le courriel a remplacé le courrier. Et l'ouverture à la concurrence a achevé le reste. Mais, le ... <a href="https://www.loi1901.com/intranet/a_news/index_news.php?Id=2592" target="_blank">Lire la suite sur Loi1901.com</a>
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