09-12-2019  SOCIETE LIBRE

Quand la ruche dit oui

La ruche qui dit oui est une entreprise commerciale française (Equanum SAS avec un agrément ESUS) issue de l'Économie collaborative au même titre que Uber, Rn&B et autres Blablacar. Selon les trois créateurs, il s'agit d'une "optimisation de la vente en circuit court qui propose aux producteurs, une plateforme web interactive qui permet chaque semaine de proposer des produits où les membres inscrits viennent récupérer leur commande en leur présence."

Mais ce n'est pas une AMAP (association pour le maintien d'une agriculture de proximité) et n'a donc ni les mêmes obligations, ni les mêmes intérêts.

Le site ne sert qu'à mettre en relation les producteurs, les clients et les responsables de Ruches. Ces derniers, qui sont appelés "Reines" (alors qu'ils sont plutôt des abeilles), font tout le travail. Ils doivent être enregistrés au Registre du commerce ou être déclarés en tant qu'auto-entrepreneur. La Reine n'est donc pas salariée et ses revenus ne sont donc pas des revenus nets. Equanum SAS se rémunère par une commission sur les commandes de 20 %. Sur cette somme, elle reverse 41,75 % à la Reine. Le reste, 58,25 %, sert à financer l'entreprise, les dirigeants et les salariés de l'entreprise.

Fin 2018, le réseau de la Ruche qui dit Oui annonçait 1 200 Ruches dont 850 en France. Via ces ruches, le réseau totalise 270 000 membres actifs, 8 000 producteurs et artisans, et a enregistré, depuis sa création, un volume d'affaire dépassant les 75 millions d'euros. Les créateurs sont au nombre de 3 : Guilhem Chéron, Marc-David Choukroun et un certain Mounir Mahjoubi (ancien secrétaire d'État chargé du Numérique dans le gouvernement Édouard Philippe). Les investisseurs initiaux ont pour noms Christophe Duhamel, Marc Simoncini, Xavier Niel.

Chaque Reine cherche les producteurs et transformateurs, les membres et le lieu qui puisse accueillir les distributions. Une fois que sa "communauté" est assez conséquente, la Reine prépare les ventes puis la distribution et anime sa communauté afin de pérenniser sa Ruche. Pour cela, la Reine peut espérer un complément de revenu moyen de 500 euros par mois pour officiellement 10h de travail par semaine. En réalité, les 20h par semaine sont souvent dépassés. Les frais de transports, loyers, communication, etc. ne sont pas remboursables. Ils viennent donc en déduction du maigre pécule.

Le fournisseur touche donc 80% de la vente de son produit. C'est beaucoup plus que ce que la filière classique peut lui proposer (environ 50%). Mais est-ce comparable ? La Ruche choisit plutôt des petits producteurs avec une production relativement faible. Pour s'en sortir, ils ont besoin de toucher effectivement une part plus importante du prix du produit. Mais cela ne leur permet pas de toucher plus. Simplement, ils ont l'assurance avec ce système d'écouler toute leur production. Une AMAP ne prélève aucune commission sur les ventes mais propose des débouchés plus limités. Un même producteur peut tout à fait travailler avec une Ruche et avec une AMAP.

C'est d'ailleurs le sens de la communication de La Ruche qui dit Oui qui se veut "complémentaire des AMAP." La Ruche qui dit Oui est donc un débouché supplémentaire pour les agriculteurs, ce qui est vrai. En revanche, l'absence de cahier des charges permet aux agriculteurs de proposer des produits non bio (et sans contrôle sur la provenance) et d'une qualité très inégale en fonction de la Ruche. La seule obligation réside dans le fait de produire à moins de 250 kilomètres du lieu de distribution pour respecter le circuit court du concept. Cela fait tout de même 500 kilomètres l'aller-retour. On connaît plus court comme circuit.

En fait, La Ruche qui dit Oui est la grande gagnante de l'opération. La mise en place d'un commerce entonnoir qui aspire 58,25 % des 20% de chaque commission permet de valoriser le concept et le réseau. Et qui sait, peut-être qu'un jour La Ruche qui dit Oui sera revendue à ceux qui ont tout intérêt à retrouver une clientèle qui a déserté leurs centres commerciaux : Leclerc, Auchan, etc. Comme pour la célèbre pub Canada Dry des années 1980 : "Ça a la couleur de l'alcool, le goût de l'alcool, mais ce n'est pas de l'alcool.", La Ruche qui dit Oui a la couleur de l'AMAP, la com d'une AMAP, mais ce n'est pas une AMAP. Parfait recyclage dont le libéralisme a le secret.

En savoir plus
La ruche qui dit Oui

Le réseau des AMAP

Voici le tag Internet à sélectionner, à copier et à coller sans transformation dans la page du site où vous allez utiliser cet article. D'avance merci.

Sélection du texte ci-dessous
Quand la ruche dit oui 
La ruche qui dit oui est une entreprise commerciale française (Equanum SAS avec un agrément ESUS) issue de l'Économie collaborative au même titre que Uber, Rn&B et autres Blablacar. Selon les trois créateurs, il s'agit ...  <a href="https://www.loi1901.com/intranet/a_news/index_news.php?Id=2558" target="_blank">Lire la suite sur Loi1901.com</a>

Découvrir 10 autres articles



Depuis 1999 au service des associations
Jurisprudence, décrets, lois, etc.

Une mairie peut-elle encore prêter de l'argent à une association ?

26-11-2024

De nombreuses mesures récentes ont bouleversé les relations entre les associations et les collectivités territoriales. Ou encore les différentes lois de réforme territoriale

Défense de l'environnement : la justice montre sa préférence

26-11-2024

Les associations agréées pour la défense de l'environnement et leurs satellites sont en première ligne pour tenter de faire respecter le droit en matière de pollution et de mise

Respect d'une assemblée générale, quand la Cour de cassation s'en mêle

26-11-2024

Les règles de convocation d'une Assemblée Générale sont généralement prévues dans les statuts juridiques de l'association. La loi de 1901 et son décret d'application laissent une

De la mission bénévole à la prestation de service

19-11-2024

La prestation de services n'a pas pour objet de transférer la propriété d'un bien matériel à la différence de la vente d'un produit. L'association ne reçoit rien et ne transmet

De l'équilibre des comptes pour une demande de subvention

19-11-2024

Les comptes d'une association doivent-ils être équilibrés pour demander une subvention ? En fait, la réponse est beaucoup plus complexe qu'il n'y parait. Légalement, rien ne

Accepter la présidence d'une association : soyez prudent

19-11-2024

Devenir président d'une association, quelle que soit sa taille, est tout à la fois un honneur et une charge. Les dispositions légales et statutaires qui encadrent les obligations

Panorama associatif numéro 113 : novembre 2024

12-11-2024

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

Associations culturelles : le poids économique direct de la culture

12-11-2024

Le poids économique direct de la culture, c'est-à-dire la valeur ajoutée de l'ensemble des branches culturelles, s'établissait à 47,1 milliards d'euros en 2022. Plus étonnant

Fédérations sportives : du rififi dans les licences

12-11-2024

Les fédérations sportives, constituées sous la forme associative et au nombre de 122, ont pour objet l'organisation d'une ou plusieurs disciplines sportives, dont elles gèrent la

La comptabilité analytique est-elle utile aux associations ?

05-11-2024

La comptabilité analytique est utile, voire même indispensable, pour les associations dont le budget annuel dépasse les 80 000 euros. La "compta ana" est un mode de traitement des

Découvrir 10 autres articles
La société dans tous ses états

La branche du sport amateur au rapport

26-11-2024

Ce rapport (1) réalisé par l'Afdas compile les principaux résultats obtenus sur les 5 volets prévus dans le cahier des charges de l'étude : économique, social, santé et protection

Comment sortir de la crise démocratique : RAEF 2024 ?

19-11-2024

Le Rapport Annuel sur l'Etat de la France 2024 du CESE (1) tente de mettre en lumière les liens entre inégalités sociales et démocratie. Même si l'on peut noter un léger recul de

Comme un plan social à bas bruit

12-11-2024

Si le gouvernement refuse les 472 amendements déposés par les oppositions pour le budget 2025 et revient au texte initial avec un passage en force par 49.3, le secteur de

Contre la pauvreté, agir coûte moins cher que de ne rien faire

05-11-2024

La pauvreté coûte un "pognon de dingue" disait le 12 juin 2018, le président Macron à ses conseillers et rapidement "fuité" sur @X, histoire de faire le buzz et de préparer les

De la subvention à la commande publique : fragiles associations

29-10-2024

Les modèles socio-économiques des associations ont fait, par le passé, l'objet de débats importants. Mais aujourd'hui, elles semblent n'avoir que peu de place dans la Startup

Les faibles inégalités salariales au sein du secteur associatif

22-10-2024

Selon le baromètre des salaires de l'ESS, dans son édition 2024, le secteur associatif est marqué par de faibles inégalités salariales. Ce qui est plutôt remarquable. En revanche,

Le Service national universel ciblé par la Cour des comptes

15-10-2024

Le SNU, qui émarge au budget "jeunesse et vie associative", est expérimenté depuis 2019 pour une généralisation à tous les jeunes de 15 à 17 ans d'ici 2026. Mais la Cour des

Les dérives sectaires ne se reposent jamais

08-10-2024

Il n'y a pas de définition légale de la dérive sectaire. Mais la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a élaboré une

L'association Anticor retrouve enfin son agrément

01-10-2024

Après plus d'un an de lutte devant la justice, Anticor a enfin retrouvé son agrément anticorruption. C'est par un simple arrêté que le 5 septembre 2024, Gabriel Attal a renouvelé

Inaction climatique : quand l'insuffisance entraîne la condamnation

24-09-2024

Nous assistons à la montée des eaux, à la fonte des glaces, à la multiplication des évènements météorologiques extrêmes, tandis que les espèces animales et végétales disparaissent

Découvrir 10 autres articles
Un peu d'ESS dans nos associations

Faire plus avec moins : le nouveau mantra des pouvoirs publics aux associations

26-11-2024

Les associations sont, depuis toujours, en première ligne pour répondre aux besoins de nos concitoyens non couverts par l'État. En échange de cette implication, les pouvoirs

Et si on réinventait le système des subventions aux associations ?

19-11-2024

En septembre 2023, un collectif d'associations interpellait fermement la première ministre, Elisabeth Borne, avec un tonitruant "Le secteur associatif se meurt !". Au même

Quand la ruralité se réveillera

12-11-2024

Et si l'heure n'était plus à l'attentisme dans les territoires ruraux ? Les élus comme les acteurs associatifs ont lancé, il y a plusieurs années déjà, une solide réflexion autour

Le succès du service civique

05-11-2024

Alors que le SNU (Service National Universel) semble, à juste titre, vivre ses derniers jours, le Service Civique ne s'est jamais aussi bien porté. Créé par la loi du 10 mars

Quand un accord collectif est remis en cause

29-10-2024

La nullité des conventions et accords collectifs de travail reste un contentieux rare et assez récent, ce qui s'explique, en partie, par l'objet traditionnel de ces actes qui est

Fonds de dotation : les temps changent

22-10-2024

Le fonds de dotation est un organisme dit de "mécénat". Il est destiné à collecter des dons pour aider une structure à but non lucratif à réaliser une oeuvre ou une mission

Programmation 2021-2027 des fonds européens : place de l'ESS

15-10-2024

Tous les sept ans, l'UE révise la stratégie d'attribution des fonds européens pour répondre aux nouveaux défis de l'Union européenne ainsi qu'aux enjeux des territoires et des

Loi ESS : une décennie de transformations pour un anniversaire en demi-teinte

08-10-2024

2014 - 2024, la loi du 31 juillet 2014 relative à l'Économie Sociale et Solidaire, dite Loi ESS, fête ses 10 ans. Portée par Benoît Hamon, alors ministre délégué chargé de

L'économie sociale et solidaire dispose de son ministère

01-10-2024

On ne connaît pas exactement la durée de vie du gouvernement Barnier. En revanche, nous pouvons saluer le fait que l'économie sociale et solidaire (ESS) retrouve un portefeuille

La franchise sociale ou l'art de cultiver l'intérêt général

24-09-2024

La maîtrise de concepts comme l'utilité sociale, l'intérêt général ou encore l'utilité publique est absolument fondamentale pour le secteur associatif. Il est, à ce titre,

Découvrir 10 autres articles
Abonnez-vous à Lettrasso+