La méthode du retour à l'envoyeur
Malgré la propagation sur nos téléphones du GPS et l'existence de 4 657 déchetteries dans l'Hexagone, il semble que certains de nos concitoyens ne parviennent pas à faire un lien entre les deux au moment de se débarrasser de leurs déchets. Ainsi, plus de 80.000 tonnes d'ordures sauvages sont lâchées dans la nature chaque année. Et la jolie petite route de campagne se voit décorée de l'ordre du frigo rouillé, du pneu abandonné, de la voiture incendiée.
De nombreuses mairies, souvent aidées par des associations locales, ont décidé de prendre le taureau par les cornes et de rendre à l'heureux propriétaire, son oubli du bord des routes.
L'une des premières mairie à avoir franchi le pas est Dol-de-Bretagne située près du Mont-Saint-Michel. Le maire, exaspéré par l'incivilité de certains de ses administrés, a aussitôt fait déversé devant la maison des coupables, les déchets abandonnés. Avec, en cadeau, une belle amende de 136 euros. Une méthode certes musclée, mais visiblement efficace.
Du coup, de nombreuses communes suivent l'exemple de Dol-de-Bretagne. Ainsi la ville de Laigneville, située dans le département de l'Oise en région Hauts-de-France. Là aussi, depuis que le maire a pris cette décision, le nombre de dépôts sauvages a très nettement diminué. L'homme rajoute une petite couche d'humour pince-sans-rire à son approche du problème. Il poste sur le site Facebook de la commune des petites vidéos qui montrent les employés communaux en train de déposer la marchandise "avariée" devant le domicile du contrevenant.
La plupart des autres maires de la communauté de communes du Liancourtois, dont Laigneville fait partie, suivent son exemple. Du coup, les voisins, chasseurs, pêcheurs, randonneurs redoublent de vigilance et signalent les chargements suspects de petites bennes. Une délation qui reste pour le moment bon enfant...
La ville de Saint-Gilles est située à la lisière du Parc naturel régional de Camargue. Devant le mur immaculé de son cimetière tout neuf, le maire découvre sidéré, des ordures contenant seaux de peinture, plastiques et bois divers sauvagement déposées près de la grille d'entrée. Le maire s'empresse de contacter ses services municipaux et les voilà en quête d'indices sur le propriétaire des immondices tel Sherlock Holmes avec l'accent du sud.
Pas de chance pour l'indélicat, les détectives municipaux découvrent certains papiers qui trahissent son identité. Une enquête discrète est menée auprès de la famille de l'intéressé. Un camion est chargé et les ordures "oubliées" sont rendues à leur heureux propriétaire accompagnées d'une "petite" punition de 68 euros.
Brune Poirson est secrétaire d'Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire. Peu connue du grand public, elle a lancé un groupe de travail afin de lutter contre ces décharges sauvages. Le premier rapport publié précise que "les décharges sauvages génèrent des impacts environnementaux, sociaux et économiques importants. Ils portent atteinte à la propreté des espaces publics ou privés, parfois même à leur salubrité. Le coût de leur ramassage régulier est une charge lourde à supporter pour les collectivités."
Certes, on s'en doutait un peu. La secrétaire d'Etat, visiblement heureuse d'être sortie de l'ombre encombrante de Nicolas Hulot, rajoute : "Ce travail concerté va nous permettre d'aborder avec pragmatisme la question de la lutte contre les décharges sauvages pour trouver enfin des solutions concrètes à ce fléau environnemental". Pour le moment, seuls les maires luttent avec pragmatisme. Et leur solution semble être la bonne.