Les associations coûtent trop cher ?

03-07-2012  LIBRE
Nous avons fait, la semaine dernière, un article sur la défiscalisation des dons accordés via le mécénat. Cet article a fait couler beaucoup d'encre. Les réactions n'ont pas manquées. Il est vrai que notre approche tranche totalement avec l'ensemble des soutiens que le mécénat a obtenu lors de la parution, par le ministère des finances, d'une note qui préconisait de diminuer de 50% la défiscalisation accordée actuellement aux dons en provenance du mécénat.

Nous sommes totalement opposé au système mis en place en 2003 qui précise que le mécénat bénéficie d'une déficalisation à hauteur de 66% du don. Outre que, si mécénat il y a, celui ci devrait être totalement désintéréssé, donc sans l'aide de l'Etat (car il s'agit d'une privatisation de l'aide qui échappe à tout contrôle), on ne peut que s'étonner que les mécènes jugent scandaleux que l'Etat ose se désengager d'une affaire qui devrait être totalement privée.

Car ne l'oublions pas, la défiscalisation se fait avec nos impôts, au même titre que la subvention. La différence entre les deux, c'est le contrôle que l'Etat peut faire de l'argent qui circule. Dans le cas du mécénat, en dehors de quelques déclarations de bonne "gouvernance" qui n'engagent personne (lire notre article de la semaine dernière - 1), il n'y a aucun contrôle véritable.

Alors que les associations subventionnées sont elles, soumises à des contrôles strictes, sur présentation de comptes de résultats et de budgets prévisionnels qui demandent souvent la présence d'experts comptables qui ne sont pas gratuits, c'est le moins que l'on puisse dire...

Et, comme en écho à notre position, cette semaine, le Figaro (2) fait paraître un article à charge contre les subventions accordées aux associations.

Le titre de cet article est déjà tout un programme :
Ces très "chères" associations !

En voici quelques extraits :
34 milliards d'euros de subventions sont accordées chaque année par l'État et les collectivités locales à 250.000 associations. Action sociale des administrations, festivals culturels, clubs sportifs, défense des minorités... À l'heure des restrictions budgétaires, enquête sur l'étonnante opacité qui entoure le financement public des associations.

[...]Parfois, un montant vraiment plus élevé que les autres attire l'oeil. C'est le cas de l'Association nationale de formation professionnelle des adultes (Afpa) à laquelle l'État a donné très précisément 225.912.988 euros. Près de 226 millions d'euros! «Une aberration juridique», précise Viviane Tchernonog, l'une des rares chercheuses qui travaillent sur les associations, au CNRS et à l'université de Paris 1, car l'Afpa, bras armé de la formation professionnelle en France, n'a rien à faire dans ce document aux côtés d'une amicale bouliste ou d'une troupe de théâtre de rue. «Elle ne devrait pas figurer là, relève Mme Tchernonog, l'erreur devrait bientôt être corrigée.» Les subventions, elles, sont bien réelles!Aucune explication, aucune synthèse ne viennent égayer la monotonie de cet interminable répertoire. Toute l'aberration du système est là, dans cette accumulation d'informations inutilisables, ce saupoudrage de données, cette fausse transparence qui masque une volonté d'entretenir l'opacité.[...]


Nous avons fait plusieurs articles sur le "jaune budgétaire" (3) et nous avons fait également remarqué son opacité. Mais, outre que ce document a le mérite d'exister, il doit être jugé pour ce qu'il est : une longue liste d'associations subventionnées. Un peu comme l'inventaire à la Prévert, on mélange tout sans précision d'aucune sorte. Mais pour qui veut de plus amples renseignements, il suffit d'éplucher les questions au gouvernement pour obtenir les détails nécessaires et ils ne manquent pas. Visiblement, le Figaro ne possède pas cette information.

Poursuivons donc les citations de cet article "formidable"...

Les fonctionnaires, premiers servis par l'État
Charité bien ordonnée... l'État se sert royalement. Chaque ministère entretient à grands frais ses bonnes oeuvres, gérées la plupart du temps par les syndicats. Rien qu'à Bercy, l'Association pour la gestion des restaurants des administrations financières (Agraf) a reçu en 2010 un chèque de 10,3 millions d'euros. On comprend pourquoi toute tentative de sous-traiter la restauration des agents à un prestataire privé se heurte à un tollé syndical... L'Association pour le logement du personnel des administrations financières (Alpaf), qui possède un parc de plus de 10 000 logements dans toute la France, a perçu une subvention de 23 millions d'euros. Quant à l'Association touristique, sportive et culturelle des administrations financières, elle a touché 5,24 millions d'euros...

On peut bien sûr s'étonner de l'enveloppe budgétaire accordée à ces associations. Bien que les chiffres, délivrés ainsi ne veulent absolument rien dire sans un budget attaché. Mais, on sent bien que le journaliste pense que le "privé" ferait mieux pour moins cher... Il nous semble donc utile de rappeler à cet étourdi ce que le partenariat public / privé coûte à la collectivité, c'est à dire à nous.

L'hôpital de Corbeil-Essonnes
En 2005, Xavier Bertrand, ministre de la Santé, donne son accord à la signature d'un partenariat public-privé avec le groupe Eiffage pour réaliser un vaste hôpital à Corbeil-Essonnes, ville dont le maire était à l'époque Serge Dassault (propriétaire du Figaro entre autre...) ; hôpital destiné à regrouper des structures médicales du sud de l'Ile-de-France. Plutôt que de payer un hôpital qui serait maître de ses murs, l'Etat se désengage et confie le chantier à Eiffage qui en assurera l'exploitation en louant le bâtiment au centre hospitalier sud-francilien pendant trente ans.

La seule chose qui est certaine est le coût astronomique de cet hôpital puisqu'un loyer initial de 32 millions d'euros est prévu. En janvier 2011, le directeur de l'hôpital actuel assure la réception de l'ouvrage mais, très probablement inquiet des normes de sécurité sanitaire, il diligente immédiatement une expertise indépendante. Recevoir les clefs induirait de devoir payer le loyer d'un bâtiment inexploitable.

Cette expertise met en lumière plus de 8 000 malfaçons dont certaines tout à fait considérables mettant en cause la sécurité des patients. Aujourd'hui, avec un loyer mensuel de 50 millions d'euros, cet hôpital qui n'est toujours pas capable de recevoir des malades doit payer le loyer.

Il y de très nombreux autres exemples de ce type dont la construction du fameux "Pentagone à la française" voulu par l'ex président qui est actuellement bloqué pour des plaintes déposées sur la façon dont les contrats ont été signés entre le groupe Bouygues et l'Etat..

Non, le privé ne fait pas mieux. Sans cela, nous ne serions pas dans une telle crise financière dont la seule partie imputable aux Etats est bien d'avoir abandonné au privé les prérogatives qui étaient les leurs.

Pour en revenir à cet article, il nous semble absolument aberrant que le Figaro vole au secours des "mécènes" à partir d'arguments aussi basiques.

Dans le même temps, les chantres de la privatisation à outrance ne peuvent pas continuer à prêcher cette "bonne parole" là et demander de l'aide à l'Etat à chaque fois que la folie est allée trop loin... Inutile de rappeler ici les besoins des banques depuis 2008 et encore aujourd'hui. Le privé demande à l'Etat de se retirer de tout mais de payer l'addition quand ces "messieurs" se sont trompés.

Il en va de même, pour nous avec le mécénat. Le retrait de l'Etat dans le financement des associations n'est qu'une posture idéologique qui s'avère aussi coûteuse que les subventions, le contrôle en moins. Depuis des années, il est demandé à l'Etat de n'être plus qu'une ambulance qui ramasse les blessés du combat que se livrent les financiers qui n'ont ni frontières, ni comptes à rendre à personne.

Une association est subventionnée parce qu'elle répond à un besoin que l'Etat ne peut pas remplir. Il s'agit là d'un service pour le bien de la communauté.

Le mécénat ne rempli pas ce rôle et s'il arrive parfois qu'il le remplisse, nous demandons que les mécènes acceptent de jouer le rôle qui était le leur lorsque ce mot a été utilisé pour la première fois :

Mécène vient du nom d'un empereur romain au 1er siècle, MAECENAS, protecteur des artistes, des savants, des écrivains, etc.. Au 16eme siècle, il désigne un homme puissant, fortuné, qui aidait financièrement des hommes de lettres, des artistes... cela au nom de la culture, par passion, par simple générosité ou qui sait peut être même pour la notoriété.

On en est loin !

En savoir plus
(1) Faut-il sauver le mécénat ? - Lettrasso du 26-06-2012

(2) Ces très «chères» associations - Le Figaro du 29-06-2012

(3) Qui connait le jaune budgétaire ? - Lettrasso du 10-02-2009

La liste de toutes les subventions pour toutes les associations - Lettrasso du 19-04-2011



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