Le revenu universel d'activité expliqué aux enfants

24-09-2019 SOCIETE LIBRE
Nous allons bientôt pouvoir donner notre avis sur le revenu universel d'activité, RUA de son petit nom. C'est madame Agnès Buzyn, ministre de la Santé, qui a annoncé le lancement d'une consultation citoyenne à partir du jeudi 3 octobre 2019. Il y aura donc des ateliers citoyens et même un jury citoyen avec consultation en ligne, le tout jusqu'en janvier 2020. Après la grande concertation sur les retraites, voici celle sur le RUA.

Cette annonce fait suite à la concertation RUA lancée avec les partenaires sociaux, les représentants des bénéficiaires d'aides sociales, les associations et les collectivités territoriales, au mois de juin dernier.

Lors de notre veille au service des associations, nous avons vu passer un décret intéressant. Il porte le joli nom de "décret instituant un rapporteur général à la réforme du revenu universel d'activité" (1). Son objet est de créer le poste de rapporteur général placé auprès de la ministre des solidarités et de la santé. Son rôle sera de préparer la mise en oeuvre de la réforme du RUA. Ce poste est occupé aujourd'hui par Fabrice Lenglart.

La concertation citoyenne n'était alors pas à l'ordre du jour. Mais comme le "Grand Débat" a permis au parti du président de ne pas "perdre" les élections européennes (sans les gagner), plusieurs "Grands Débats" ou "Concertations citoyennes" devraient peut-être lui permettre d'être bien placé aux municipales. On voit combien le sens de l'intérêt général est le fil conducteur de l'action de ce gouvernement.

Le principe du RUA se veut très simple. Il s'agit de fusionner le plus grand nombre possible de prestations sociales existantes en une seule et de le verser dès que les revenus du bénéficiaire passent en dessous d'un certain seuil. La fusion semble être une idée fixe chez les "Marcheurs". Fusionner tous les régimes spéciaux des retraites (sauf celui des députés) en un seul et jouer avec la valeur du point d'index comme avec un joystick est déjà en soi une nouveauté.

L'idée maîtresse est la simplicité. Simplifions donc. Et pour simplifier il faut fusionner pour mieux encadrer. Et en contrepartie du RUA, que devra faire l'allocataire ? Il devra s'inscrire "dans un parcours d'insertion, qui empêche de refuser plus de deux offres raisonnables d'emploi ou d'activité figurant dans son contrat". Aujourd'hui, l'offre raisonnable d'emploi encadre déjà la vie d'un chômeur. Le refus à deux reprises d'une telle offre (2) donne lieu à une radiation sur les listes des demandeurs d'emploi et à la perte du versement dû.

Mais celui-ci conserve les autres aides comme l'APL, les allocations familiales, etc. Avec le revenu universel d'activité, le refus entraînera de facto, la suppression de toutes les aides puisque regroupées en une seule. On comprend, pour le gouvernement actuel, l'intérêt d'un tel système. Comment risquer de tout perdre quand la survie dépend du versement ou pas du RUA ? C'est d'autant plus grave que le décret du 28 décembre 2018 (3) a supprimé la notion de salaire antérieurement perçu.

En d'autres termes, cela signifie qu'un demandeur d'emploi est aujourd'hui contraint d'accepter un emploi, malgré un niveau de salaire très inférieur au salaire antérieurement perçu. Donc, pour résumer, le revenu universel d'activité est un piège destiné à fabriquer une armée de travailleurs à très faible coût qui sera dans l'impossibilité de refuser l'indécence des salaires proposés, l'éloignement géographique et l'inadéquation du poste à la formation initiale.

Le revenu universel d'activité ne portait pas ce nom à l'origine. L'idée, reprise par le président Macron, vient de la fondation IFRAP (4) qui est un "Think tank" ultra-libéral. L'IFRAP désigne ce revenu "Allocation Sociale Unique". Le président Macron, en changeant le nom de l'ASU par le RUA, est un imposteur. L'objectif caché de cette entourloupe est de rendre illégitime le concept du "Revenu de Base" (5) ou du "Revenu Universel". En effet, pourquoi mettre en place un "Revenu Universel" puisqu'il existe déjà.

C'est la question qui fâche : quel sera le montant du revenu universel d'activité ? Pour l'heure, aucun montant pour le RUA n'a été évoqué par le gouvernement. Inutile de réveiller les gilets jaunes avec des broutilles. Mais selon certaines sources qui émanent de l'entourage de Fabrice Lenglart (rapporteur général à la réforme du revenu universel d'activité), le plafond du RUA serait fixé à 480 euros par mois pour une personne propriétaire de son logement et environ 734 euros pour un locataire.

Selon l'Observatoire des inégalités (6), un individu est considéré comme pauvre, en France, quand ses revenus mensuels sont inférieurs à 867 euros (seuil à 50 % du niveau de vie médian) ou à 1 041 euros (seuil à 60 %). Ah, j'allais oublier un dernier détail, le RUA a été créé pour lutter contre la pauvreté selon le plan de lutte du même nom (7). Oscar Wilde disait du cynisme que c'était connaître le prix de tout, et la valeur de rien.

En savoir plus
(1) Décret n° 2019-34 du 22 janvier 2019 instituant un rapporteur général à la réforme du revenu universel d'activité

(2) Sont constitutifs de l'offre raisonnable d'emploi, tels que mentionnés dans le projet personnalisé d'accès à l'emploi, la nature et les caractéristiques de l'emploi ou des emplois recherchés, la zone géographique privilégiée et le salaire attendu (Code du travail - Article L5411-6-2). Le site Village Justice fait un excellent décryptage de l'offre raisonnable d'emploi.

(3) Décret n° 2018-1335 du 28 décembre 2018 relatif aux droits et aux obligations des demandeurs d'emploi et au transfert du suivi de la recherche d'emploi

(4) L'allocation sociale unique selon l'IFRAP

(5) Selon le Mouvement Français pour un Revenu de Base, la définition du revenu de base est "un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d'autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement".

(6) L'Observatoire des inégalités

(7) Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté



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