Le paradoxe de Condorcet

15-03-2022 SOCIETE LIBRE
Dans moins d'un mois aura lieu l'élection présidentielle, moment politique le plus important de notre pays. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi de vous parler du paradoxe de Condorcet. Cette loi mathématique appliquée au vote, révèle que la préférence collective contredit les préférences individuelles agrégées avec une probabilité proche de 9%. Il manque bien sûr quelques ingrédients à cette recette qui peut paraître tarabiscotée, mais qui ne l'est pas.

Il s'agit d'un problème logique qui se révèle aujourd'hui éclairant pour penser une dimension de la "crise de la représentation", celle de l'importance du mode d'expression des préférences.

Nicolas de Condorcet (1) a énoncé cette loi en 1785, dans son "Essai sur l'application de l'analyse à la probabilité des décisions rendues à la pluralité des voix". Cette méthode s'applique dès lors qu'il y a un nombre de votants supérieur à 10 et qu'ils se ventilent de manière purement probabiliste entre trois options ou plus. Autrement dit, on a une intransitivité possible de la majorité (aucun lien entre les termes), la majorité arithmétique ne traduit pas effectivement la volonté générale.

Nicolas de Condorcet considérait que demander aux électeurs de choisir un candidat n'était pas une opération satisfaisante. Selon lui, il fallait demander plus d'informations aux électeurs pour mettre en oeuvre une méthode de vote qui produise un résultat qui ait du sens. Une conclusion qui l'a conduit à une évidence (à ses yeux) : il ne faut pas demander aux électeurs de choisir un candidat, mais de les classer entre eux.

Ainsi il est demandé à chaque électeur de dresser une liste de préférences qui comporte les noms des candidats, dans un ordre décroissant du préféré au déprécié. Mais c'est surtout au moment d'agréger les informations fournies par l'électeur que la méthode de Condorcet devient originale. En effet, elle vise à exploiter toute l'information fournie par l'ensemble des listes de préférences de tous les électeurs.

Puisqu'une liste permet de savoir si un électeur préfère un candidat à un autre, l'ensemble des listes détache une majorité d'électeurs qui préfèrent le candidat A au candidat B, ou au contraire une majorité d'électeurs préférant le candidat B au candidat A. L'application de la méthode de Condorcet consiste donc à procéder à toutes les comparaisons possibles entre paires de candidats.

Pour Condorcet, si un candidat bat tous ses concurrents, c'est que ce candidat mérite de gagner et devient alors le "gagnant de Condorcet". Et c'est là que le paradoxe intervient. Quel que soit le mode de scrutin utilisé pour désigner le vainqueur, il y aura toujours une majorité de la population qui sera prête à le changer pour un autre.

Aucun vainqueur n'est indiscutable car une élection ne dépend absolument pas du mode de scrutin, juste des préférences respectives des uns et des autres. Une première analyse pourrait nous laisser penser que le paradoxe de Condorcet n'est pas un paradoxe de la démocratie. Il provient uniquement du fait que l'on analyse les candidats qu'en termes de préférence relative, l'un par rapport à l'autre.

Prenons l'exemple du football. Si dans une poule de championnat du monde, la France bat l'Allemagne qui à son tour bat le Brésil qui de son côté bat l'Italie qui in fine bat la France, qui est qualifié ? On doit donc aller plus loin et considérer par exemple, pour départager les équipes, le nombre de buts marqués par chaque équipe. Mais, ce complément permet-il réellement de désigner la meilleure équipe ?

Ceci correspond exactement au paradoxe de Condorcet : n'importe lequel des candidats aurait pu être élu, ou aucun, puisqu'il n'est pas possible de trancher d'une manière qui respecte les préférences exprimées par les électeurs. Ainsi, si on appliquait son raisonnement en France, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours pourrait faire arriver seulement en troisième place un candidat qui pourtant battrait en duel les deux qualifiés du second tour.

En savoir plus
Des mathématiques pour améliorer la démocratie - Etude du paradoxe de Condorcet par Normale Sup

(1) Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet

Le théorème d'impossibilité de Kenneth Arrow
Kenneth Arrow (1921-2017), récompensé pour sa carrière par le prix Nobel d'économie en 1972, est l'un des principaux contributeurs à la théorie du choix social. En 1951, il démontre qu'il ne peut pas exister de système de vote qui donne des résultats cohérents si on demande aux électeurs de comparer les candidats. Or, choisir un candidat suppose de comparer les candidats entre eux. Le scrutin uninominal, que nous utilisons, tombe donc sous le coup de ce théorème d'impossibilité. C'est chose préoccupante, car ces incohérences portent à conséquence : les résultats des élections ne suivent pas les opinions des électeurs, et peuvent être manipulés, y compris par les candidats eux-mêmes.
Kenneth Arrow - Son théorème d'impossibilité



Depuis 1999 au service des associations
Jurisprudence, décrets, lois, etc.

Panorama associatif numéro 110 : octobre 2024

15-10-2024

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

L'art et la manière de bien rédiger un dossier de demande de subvention

15-10-2024

Pour une structure associative, obtenir une subvention est un enjeu majeur. Surtout en période de budgets contraints. La rédaction de votre dossier de demande d'aide est

Transfert d'activité entre deux associations

15-10-2024

Le transfert d'activité entre deux associations est presque toujours source de conflit. Et pourtant, l'article L. 1224-1 du code du travail est on ne peut plus clair sur le sujet

Déclaration des bénéficiaires effectifs au sein des associations

08-10-2024

Tous les organismes sans but lucratif doivent désormais déclarer leurs "bénéficiaires effectifs". Cette obligation, jusqu'alors réservée aux structures à but lucratif, concerne la

Diversification préférable des ressources pour les associations de création artistique

08-10-2024

Bonne fille, l'administration fiscale précise les conditions dans lesquelles les associations de création artistique peuvent échapper aux impôts commerciaux. Malgré cette

Panorama associatif numéro 109 : octobre 2024

08-10-2024

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

Nouvelles dispositions d'inspection et de contrôle des ACM

01-10-2024

La protection des mineurs accueillis collectivement dans les "Accueils Collectifs de Mineurs" (ACM) pendant les vacances et leurs temps de loisirs, de même que la protection des

Déposer un recours contre un refus de subvention

01-10-2024

L'Article 9-1 de la loi 2000-321 du 12 avril 2000 définit ainsi la subvention : "Constituent des subventions les contributions facultatives de toute nature, valorisées dans l'acte

Délégation de compétences au sein d'une association

01-10-2024

Lorsqu'un dirigeant délègue tout ou partie de ses compétences à un tiers, cela ne peut se faire que dans le strict respect des statuts. Or, si les statuts encadrent assez bien les

Régime fiscal du mécénat : nouvelles précisions apportées par la justice

24-09-2024

Pour ouvrir le droit à la fiscalité prévue par la loi pour les dons et les versements faits par les particuliers et les entreprises à l'organisme bénéficiaire et au versement, ces

Découvrir 10 autres articles
La société dans tous ses états

Le Service national universel ciblé par la Cour des comptes

15-10-2024

Le SNU, qui émarge au budget "jeunesse et vie associative", est expérimenté depuis 2019 pour une généralisation à tous les jeunes de 15 à 17 ans d'ici 2026. Mais la Cour des

Les dérives sectaires ne se reposent jamais

08-10-2024

Il n'y a pas de définition légale de la dérive sectaire. Mais la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a élaboré une

L'association Anticor retrouve enfin son agrément

01-10-2024

Après plus d'un an de lutte devant la justice, Anticor a enfin retrouvé son agrément anticorruption. C'est par un simple arrêté que le 5 septembre 2024, Gabriel Attal a renouvelé

Inaction climatique : quand l'insuffisance entraîne la condamnation

24-09-2024

Nous assistons à la montée des eaux, à la fonte des glaces, à la multiplication des évènements météorologiques extrêmes, tandis que les espèces animales et végétales disparaissent

Relations avec l'administration : de nouvelles simplifications pour les OSBL

17-09-2024

Un OSBL est un Organisme Sans But Lucratif, connu également sous le sigle OBNL pour Organisme à But Non Lucratif. Il existe de nombreuses formes d'organisations à but non

Les nouvelles priorités pour la jeunesse : diplôme, émancipation, engagement, sport

10-09-2024

Malgré un gouvernement démissionnaire, les administrations ont continué à faire oeuvre commune. Etrange situation dans laquelle, l'absence de ministres décisionnaires n'empêche

Santé et environnement : un important appel à projets

03-09-2024

Le Haut Conseil à la vie associative (HCVA) a produit et adopté le 30 septembre 2021 un rapport intitulé "Pour un engagement associatif renforcé au service de la transition

Quand le Conseil d'État nous raconte l'année 2023

30-07-2024

De la pollution de l'air à la liberté d'association, des atteintes au droit jusqu'aux problématiques de logement, des nombreuses politiques de l'emploi à l'accès à l'éducation

Pour m'endormir, je compte les abonnés

23-07-2024

Oui, après 22 années d'existence, notre lettre d'information associative Lettrasso atteindra bientôt les 133 000 abonnés gratuits. Il n'en manque que cinq. Quand 132 995 personnes

Pecunia non olet

16-07-2024

L'empereur romain Vespasien, pour trouver un moyen rapide de renflouer les caisses de l'empire, se trouva dans l'obligation de lever différentes taxes dont une le fit passer à la

Découvrir 10 autres articles
Un peu d'ESS dans nos associations

Programmation 2021-2027 des fonds européens : place de l'ESS

15-10-2024

Tous les sept ans, l'UE révise la stratégie d'attribution des fonds européens pour répondre aux nouveaux défis de l'Union européenne ainsi qu'aux enjeux des territoires et des

Loi ESS : une décennie de transformations pour un anniversaire en demi-teinte

08-10-2024

2014 - 2024, la loi du 31 juillet 2014 relative à l'Économie Sociale et Solidaire, dite Loi ESS, fête ses 10 ans. Portée par Benoît Hamon, alors ministre délégué chargé de

L'économie sociale et solidaire dispose de son ministère

01-10-2024

On ne connaît pas exactement la durée de vie du gouvernement Barnier. En revanche, nous pouvons saluer le fait que l'économie sociale et solidaire (ESS) retrouve un portefeuille

La franchise sociale ou l'art de cultiver l'intérêt général

24-09-2024

La maîtrise de concepts comme l'utilité sociale, l'intérêt général ou encore l'utilité publique est absolument fondamentale pour le secteur associatif. Il est, à ce titre,

Financement d'une association : il faut utiliser les bons outils

17-09-2024

Les créateurs d'une association pensent souvent qu'il suffit de demander des subventions pour démarrer. Sans un premier bilan de ses actions à présenter, une association n'aura

Prolongation de l'avantage fiscal pour l'investissement dans les ESUS

10-09-2024

La loi sur l'Economie Sociale et Solidaire, dite "loi Hamon" du 31 juillet 2014 a transformé l'agrément "entreprise solidaire" en un agrément plus large "entreprise solidaire

Le droit d'accès à des documents administratifs pour une association

03-09-2024

Selon le code des relations entre le public et l'administration (1), le droit d'accès aux documents administratifs permet à toute personne (physique ou morale) d'obtenir

Les dynamiques de la philanthropie en France

30-07-2024

La philanthropie a une responsabilité de plus en plus grande à agir efficacement et durablement au service de l'intérêt général. Certes, mais il y a une bonne raison à cela : la

L'obligation de non concurrence du dirigeant

23-07-2024

Personne clef de la structure qu'il dirige et organise, le dirigeant se doit d'agir dans l'intérêt de l'association dont il préside les destinées. Une obligation légale de loyauté

Financer une association en donnant des jours de congés

16-07-2024

Depuis la loi 2024-344 du 15 avril 2024 (1), il est possible pour un salarié de renoncer à ses jours de congés payés pour en faire don à une association RUP ou d'intérêt général.

Découvrir 10 autres articles
Abonnez-vous à Lettrasso+