L'Europe oui, mais debout !

12-01-2010  LIBRE
Nous ne sommes pas, dans ces colonnes, des admirateurs de personnalités politiques, même si nous reconnaissons volontier que la plupart des hommes politiques effectue un énorme travail au quotidien dans un réel désintéressement. Mais, la mort de Philippe Séguin nous a ramené de nombreuses années en arrière, en 1992 avec un traité de Maastricht, que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître...

Pour les autres, souvenez-vous de cet homme qui prononçait devant l'Assemblée Nationale un discours fleuve pour expliquer son "non" au traité de Maastricht et défendre ainsi l'exception d'irrecevabilité qu'il avait déposée.

Ce texte semble aujourd'hui d'une criante actualité. Nous vous en proposons quelques extraits (le texte complet fait plus de cent feuillets). La lecture se fait dans une langue très éloignée de la "novlangue" politique actuelle.

Le lien avec les associations ? Voir en savoir plus ci-dessous...

Intervention de Philippe Séguin le 5 mai 1992 devant l'Assemblée Nationale
[...] Mon irrecevabilité se fonde sur le fait que le projet de loi viole, de façon flagrante, le principe en vertu duquel la souveraineté nationale est inaliénable et imprescriptible, ainsi que le principe de la séparation des pouvoirs, en dehors duquel une société doit être considérée comme dépourvue de Constitution .[...]

[...] En outre, c'est une faute politique lourde, la manœuvre qui consisterait, ultérieurement, à ne faire ratifier par le peuple que ce que le Parlement aurait déjà décidé.[...]

[...] Je reconnais bien volontiers que le conformisme ambiant, pour ne pas dire le véritable terrorisme intellectuel qui règne aujourd'hui, disqualifie par avance quiconque n'adhère pas à la nouvelle croyance, et l'expose littéralement à l'invective. Qui veut se démarquer du culte fédéral est aussitôt tenu par les faiseurs d'opinion au mieux pour un contempteur de la modernité, un nostalgique ou un primaire, au pire pour un nationaliste for­cené tout prêt à renvoyer l'Europe aux vieux démons qui ont si souvent fait son malheur.[...]

[...]Toutes ces arguties n'ont en réalité qu'un but : vider de sa signification ce mot gênant pour qu'il n'en soit plus question dans le débat. La méthode est habile. En présentant chaque abandon parcellaire comme n'étant pas en soi décisif, on peut se permettre d'abandonner un à un les attributs de la souveraineté sans jamais convenir qu'on vise à la détruire dans son ensemble.[...]

[...]Souvenez-vous du cri de Chateaubriand à la tribune de la Chambre, en 1816 : Si l'Europe civilisée voulait m'imposer la charte, j'irais vivre à Constantinople.[...]

[...] La souveraineté, cela ne se divise pas ni ne se partage et, bien sûr, cela ne se limite pas. Et, de fait, quand on accepte de prendre des décisions à la majorité (des pays membres NLDR) sur des questions cruciales, et dès lors que ces décisions s'imposent à tous sans pouvoir jamais être remises en cause ultérieurement à l'échelon national, on passe clairement de la concertation à l'intégration. Aussi, quand on nous dit que les accords de Maastricht organisent une union d'États fondée sur la coopération intergouvernementale, on travestit délibérément la réalité, Tout au contraire, ces accords visent à rendre inapplicable le droit de veto et à créer des mécanismes qui échappent totalement aux États[...]

[...] L'exemple de l'Acte unique est, à cet égard, tout à fait révélateur. Ce traité déclare, en effet, que seront prises à la majorité toutes les mesures d'harmonisation nécessaires à la réalisation du marché unique, exception faite des mesures fis­cales(1). A priori, cela n'engage à aucun véritable transfert de souveraineté, si l'on veut bien considérer qu'un marche unique n'est pas un espace économique uniforme et qu'il n'est pas besoin de nombreuses mesures d'harmonisation pour faire jouer convenablement la concurrence entre les pays membres, soumis au principe de reconnaissance mutuelle des réglementations, Mais il a suffi que la Commission, disposant de l'initiative des textes, décide que la réalisation du marché unique nécessitait l'adoption de trois cents directives d'harmonisation pour que celles-ci soient adoptées à la majorité sans qu'aucun recours ait pu être opposé à cette qualification arbitraire, la Cour de justice des Communautés étant elle-même convertie sans réserve à l'idéologie fédéraliste. [...]

[...] Alors, si nous organisons l'Europe, organisons-la à partir des réalités. Et les réalités, en Europe, ce sont toutes les nationalités qui la composent. Car on parle de l'identité lorsque l'âme est déjà en péril, lorsque l'expérience a déjà fait place à l'angoisse. On en parle lorsque les repères sont déjà perdus ! [...]

[...] S'il y a une conscience européenne, c'est un peu comme il y a une conscience universelle; elle est de l'ordre du concept et n'a à voir ni avec l'âme du peuple ni avec la solidarité chamelle de la nation. La nation française est une expérience multiséculaire, La conscience européenne est une idée qui d'ailleurs ne s'arrête pas aux frontières de la Communauté. Et l'on ne bâtit pas un État légitime sur une idée abstraite, encore moins sur une volonté technocratique.[...]

[...] Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, la question et la réponse n'ont pas varié : oui, nous voulons l'Europe, mais debout, parce que c'est debout qu'on écrit l'histoire ![...]

Sources : Marianne

En savoir plus
(1) Voir la news Les dons aux associations dont le siège ne se trouve pas en france seront déductibles

Télécharger la vidéo complète de l'intervention de Phlippe Séguin sur le site de l'assemblée nationale



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