L’agriculture française est-elle utile ?

19-02-2013  LIBRE
Cette question peut sembler un rien provocante, surtout pour les lecteurs qui sont en contact régulier avec le monde agricole. Mais les chiffres nationaux parlent d'eux-mêmes : l'agriculture française ne représente plus qu'un tout petit 2,2% du PIB français, alors qu'elle était de 13,7% du même PIB en 1955 : on peut même parler de chiffres dérisoires...

Supprimer l'agriculture française ne porterait donc pas un coup très rude à notre économie selon les calculs des experts diligentés par le ministère des Finances. Mais la réalité est tout autre, nous allons tenter de le démontrer...

A l'heure des comptables et au moment de la renégociation de la Politique Agricole Commune (la célèbre PAC), la question se pose à voix basse dans tous les ministères en France et se claironne à haute voix partout ailleurs en Europe : faut-il conserver une agriculture en France ?

Admirons au passage le glissement sémantique, on ne dit plus agriculture française, mais agriculture en France... Cela sent la délocalisation à brève échéance.

L'assujettissement des Associations pour le Maintien de l'Agriculture Paysanne (AMAP) au régime des impôts commerciaux est un signe négatif. (1)

L'AMAP est l'une des alternatives crédibles dans le domaine de l'agriculture de proximité, sa mise en place a permis à de nombreux paysans de créer un lien commercial fort entre eux et les citadins. Taxer sans contrepartie les AMAP, est une curieuse façon d'encourager une filière qui a encore du mal à se pérenniser...

Les chiffres mentent.. (2)
Selon l'INSEE, l'agriculture ne représente qu'un faible 4% des actifs (227 000 emplois salariés), mais ce chiffre ne représente que le domaine agricole pur. Or, lorsqu'elle parle de la filière automobile, l'INSEE englobe la totalité des actifs, sous-traitants compris, pas avec l'agriculture, pourquoi ?

Car l'honnêteté devrait obliger l'INSEE à y adjoindre les secteurs d'activité comme la fabrication des denrées alimentaires, le travail du bois ou la restauration, des activités que l'on classe soit dans le secteur secondaire, soit dans le secteur tertiaire, alors qu'ils dépendent pourtant directement du secteur agricole.

Si on effectue le "vrai" calcul, on obtient d'autres chiffres beaucoup plus parlants :
- 2,4 millions d'actifs, soit 9,1% de la population active de la France.
Avec une telle position, l'agriculture Française ne mérite-t-elle pas davantage de considération ?

Et le PIB ?
On peut faire la même chose avec le PIB. Dire, comme au début de cet article, que l'agriculture ne représente qu'un minuscule 2,2% du PIB est un mensonge chiffré.

Car, c'est réduire volontairement l'agriculture à la production de lait, de céréales et de viande. Or, loin de n'être qu'un petit maillon de la chaîne de l'industrie agroalimentaire, l'agriculture représente aussi une proportion non négligeable dans le secteur de la chimie, ne serait-ce que pour les engrais, dans celui de la production mécanique française, grâce à la construction, entre autres, des tracteurs, etc.

Et c'est surtout passer sous silence le rôle majeur que jouent les agriculteurs dans l'attrait touristique qu'exerce notre pays (première destination mondiale).

Que serait la France sans ses paysages uniques ?
Des paysages qui sont le fruit du travail séculaire de nos paysans. Certes, les touristes viennent en France pour visiter la Tour Eiffel, les châteaux de la Loire, le palais de Versailles ou bien le Mont-Saint-Michel. Mais ne viennent-ils pas aussi pour notre gastronomie, c'est même selon de nombreuses enquêtes, une de leur premières motivations. Et la gastronomie n'a-t-elle aucun lien avec le monde agricole ? Dans le secteur touristique, bien qu'invisible, le monde agricole est également omniprésent.

Pourquoi ne pas prendre en compte ces réalités quand on calcule "comptablement" le poids de l'agriculture dans le PIB ?

Pourquoi ne pas dire que l'agriculture et le secteur agroalimentaire totalisaient 50 milliards d'euros d'exportation en 2010, soit 12,8% de la valeur des exportations françaises sur la même période ?

Pourquoi taire le fait avéré (enquête Revue du Vin de France - mars 2012) que la production vinicole représente 558 000 emplois directs et indirects, et environ 800 000 emplois directs, indirects et induits ? Ces chiffres sont-ils négligeables ? Le blé et la vigne qui rapportent plus d'argent à la France que la bourse et la construction automobile, ce n'est pas vendeur ? Car c'est bien là le drame de l'agriculture française : elle ne sait pas faire savoir son savoir-faire...

De ce silence imposé ou mal inspiré, la FNSEA porte une responsabilité certaine. Pour preuve, le suicide des agents de France Télécom a défrayé la chronique, mais qui sait que les agriculteurs sont la catégorie socioprofessionnelle la plus touchée par les suicides (800 suicides en 2009 selon l'Association des producteurs de lait indépendants) ?

Ne laissons pas notre agriculture disparaître. Or, aujourd'hui hélas, la question se pose...

En savoir plus
(1) Par leur activité, les AMAP permettent à des producteurs non seulement d'obtenir des débouchés mais également de leur assurer un revenu en raison du fait que les consommateurs s'engagent contractuellement à acheter à l'avance leur production et effectuent un prépaiement des produits qui leur seront livrés.

De ce fait, l'activité des AMAP est considérée du point de vue fiscal comme lucrative et ces associations sont soumises aux impôts commerciaux quels que soient leur taille et le montant de leurs recettes, CQFD.

(2) En 1946, un français sur 3 était agriculteur, en 2011 seuls 4% des français exercent encore une activité agricole. Toujours en 1946, la France agricole ne parvenait pas à nourrir toute sa population (40 millions d'habitants) alors qu'en 2011, 4% d'agriculteurs suffisent à nourrir 63 millions de Français, et à exporter l'excédent à travers le monde. La France est la deuxième puissance agricole mondiale, derrière les États-Unis.

Rappelons à nos ministres oublieux, qu'en 2010 les exportations de vins et de spiritueux ont réalisé un chiffre d'affaires de 9,09 milliards d'euros, soit l'équivalent de 129 Airbus, de 288 TGV ou de 92 satellites. C'est le deuxième poste excédentaire français pour les exportations, derrière l'aéronautique mais devant les parfums, la cosmétique et la chimie.



Depuis 1999 au service des associations
Jurisprudence, décrets, lois, etc.

De la mission bénévole à la prestation de service

19-11-2024

La prestation de services n'a pas pour objet de transférer la propriété d'un bien matériel à la différence de la vente d'un produit. L'association ne reçoit rien et ne transmet

De l'équilibre des comptes pour une demande de subvention

19-11-2024

Les comptes d'une association doivent-ils être équilibrés pour demander une subvention ? En fait, la réponse est beaucoup plus complexe qu'il n'y parait. Légalement, rien ne

Accepter la présidence d'une association : soyez prudent

19-11-2024

Devenir président d'une association, quelle que soit sa taille, est tout à la fois un honneur et une charge. Les dispositions légales et statutaires qui encadrent les obligations

Panorama associatif numéro 113 : novembre 2024

12-11-2024

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

Associations culturelles : le poids économique direct de la culture

12-11-2024

Le poids économique direct de la culture, c'est-à-dire la valeur ajoutée de l'ensemble des branches culturelles, s'établissait à 47,1 milliards d'euros en 2022. Plus étonnant

Fédérations sportives : du rififi dans les licences

12-11-2024

Les fédérations sportives, constituées sous la forme associative et au nombre de 122, ont pour objet l'organisation d'une ou plusieurs disciplines sportives, dont elles gèrent la

La comptabilité analytique est-elle utile aux associations ?

05-11-2024

La comptabilité analytique est utile, voire même indispensable, pour les associations dont le budget annuel dépasse les 80 000 euros. La "compta ana" est un mode de traitement des

Le bénévolat occasionnel : une source de problèmes ?

05-11-2024

Derrière ce titre volontairement provocateur se cache une réalité qui commence à poser de sérieux problèmes au sein des structures associatives. Certes, selon une étude de

Le tribunal des activités économiques concerne aussi les associations

05-11-2024

Les tribunaux des activités économiques a vu le jour par la loi 2023-1059 du 20 novembre 2023 (1). Ce texte a lancé, à titre expérimental, et pendant 4 ans, de la transformation

Gare au contrôle fiscal quand votre activité associative se rapproche trop de l'entreprise

29-10-2024

La lutte contre la fraude fiscale est un enjeu majeur pour le redressement des comptes publics. Une association peut, en vue de favoriser les échanges et les rencontres avec

Découvrir 10 autres articles
La société dans tous ses états

Comment sortir de la crise démocratique : RAEF 2024 ?

19-11-2024

Le Rapport Annuel sur l'Etat de la France 2024 du CESE (1) tente de mettre en lumière les liens entre inégalités sociales et démocratie. Même si l'on peut noter un léger recul de

Comme un plan social à bas bruit

12-11-2024

Si le gouvernement refuse les 472 amendements déposés par les oppositions pour le budget 2025 et revient au texte initial avec un passage en force par 49.3, le secteur de

Contre la pauvreté, agir coûte moins cher que de ne rien faire

05-11-2024

La pauvreté coûte un "pognon de dingue" disait le 12 juin 2018, le président Macron à ses conseillers et rapidement "fuité" sur @X, histoire de faire le buzz et de préparer les

De la subvention à la commande publique : fragiles associations

29-10-2024

Les modèles socio-économiques des associations ont fait, par le passé, l'objet de débats importants. Mais aujourd'hui, elles semblent n'avoir que peu de place dans la Startup

Les faibles inégalités salariales au sein du secteur associatif

22-10-2024

Selon le baromètre des salaires de l'ESS, dans son édition 2024, le secteur associatif est marqué par de faibles inégalités salariales. Ce qui est plutôt remarquable. En revanche,

Le Service national universel ciblé par la Cour des comptes

15-10-2024

Le SNU, qui émarge au budget "jeunesse et vie associative", est expérimenté depuis 2019 pour une généralisation à tous les jeunes de 15 à 17 ans d'ici 2026. Mais la Cour des

Les dérives sectaires ne se reposent jamais

08-10-2024

Il n'y a pas de définition légale de la dérive sectaire. Mais la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a élaboré une

L'association Anticor retrouve enfin son agrément

01-10-2024

Après plus d'un an de lutte devant la justice, Anticor a enfin retrouvé son agrément anticorruption. C'est par un simple arrêté que le 5 septembre 2024, Gabriel Attal a renouvelé

Inaction climatique : quand l'insuffisance entraîne la condamnation

24-09-2024

Nous assistons à la montée des eaux, à la fonte des glaces, à la multiplication des évènements météorologiques extrêmes, tandis que les espèces animales et végétales disparaissent

Relations avec l'administration : de nouvelles simplifications pour les OSBL

17-09-2024

Un OSBL est un Organisme Sans But Lucratif, connu également sous le sigle OBNL pour Organisme à But Non Lucratif. Il existe de nombreuses formes d'organisations à but non

Découvrir 10 autres articles
Un peu d'ESS dans nos associations

Et si on réinventait le système des subventions aux associations ?

19-11-2024

En septembre 2023, un collectif d'associations interpellait fermement la première ministre, Elisabeth Borne, avec un tonitruant "Le secteur associatif se meurt !". Au même

Quand la ruralité se réveillera

12-11-2024

Et si l'heure n'était plus à l'attentisme dans les territoires ruraux ? Les élus comme les acteurs associatifs ont lancé, il y a plusieurs années déjà, une solide réflexion autour

Le succès du service civique

05-11-2024

Alors que le SNU (Service National Universel) semble, à juste titre, vivre ses derniers jours, le Service Civique ne s'est jamais aussi bien porté. Créé par la loi du 10 mars

Quand un accord collectif est remis en cause

29-10-2024

La nullité des conventions et accords collectifs de travail reste un contentieux rare et assez récent, ce qui s'explique, en partie, par l'objet traditionnel de ces actes qui est

Fonds de dotation : les temps changent

22-10-2024

Le fonds de dotation est un organisme dit de "mécénat". Il est destiné à collecter des dons pour aider une structure à but non lucratif à réaliser une oeuvre ou une mission

Programmation 2021-2027 des fonds européens : place de l'ESS

15-10-2024

Tous les sept ans, l'UE révise la stratégie d'attribution des fonds européens pour répondre aux nouveaux défis de l'Union européenne ainsi qu'aux enjeux des territoires et des

Loi ESS : une décennie de transformations pour un anniversaire en demi-teinte

08-10-2024

2014 - 2024, la loi du 31 juillet 2014 relative à l'Économie Sociale et Solidaire, dite Loi ESS, fête ses 10 ans. Portée par Benoît Hamon, alors ministre délégué chargé de

L'économie sociale et solidaire dispose de son ministère

01-10-2024

On ne connaît pas exactement la durée de vie du gouvernement Barnier. En revanche, nous pouvons saluer le fait que l'économie sociale et solidaire (ESS) retrouve un portefeuille

La franchise sociale ou l'art de cultiver l'intérêt général

24-09-2024

La maîtrise de concepts comme l'utilité sociale, l'intérêt général ou encore l'utilité publique est absolument fondamentale pour le secteur associatif. Il est, à ce titre,

Financement d'une association : il faut utiliser les bons outils

17-09-2024

Les créateurs d'une association pensent souvent qu'il suffit de demander des subventions pour démarrer. Sans un premier bilan de ses actions à présenter, une association n'aura

Découvrir 10 autres articles
Abonnez-vous à Lettrasso+