Il y a péril en la demeure pour les associations

01-03-2011  LIBRE
Depuis déjà de nombreuses années, les relations entre les pouvoirs publics et les associations connaissent des évolutions structurelles lourdes de conséquences sur leur financement et, à terme plus ou moins rapproché, sur la survie de certaines d'entre elles.

Jean-Pierre Duport et Thierry Guillois administrateurs de la Fonda ont écrit un texte qui souligne parfaitement l'état des lieux associatif. Le moins que l'on puisse dire est que cet état est alarmant.

Nous reproduisons donc ici l'intégralité de ce texte. Merci à aux auteurs.

Les travaux de la FONDA ont souligné, à de très nombreuses reprises, l'importance du tissu associatif pour notre société, notamment dans les champs de l'action sanitaire et sociale, de la culture, du sport, de l'éducation populaire. Ce sont le plus souvent les associations qui oeuvrent au premier rang. Leur liberté d'action, leur capacité d'initiative et d'innovation sont un élément fort du dynamisme de notre société. Les associations sont d'autant plus fortes et efficaces qu'elles évitent d'être instrumentalisées par leur(s) financeur(s), surtout s'il est unique ou dominant, et qu'elles ont la capacité de se regrouper, au niveau national comme au niveau régional, pour mutualiser leurs ressources humaines et peser dans le débat politique et social. Or, depuis déjà de nombreuses années, les relations entre les pouvoirs publics et les associations connaissent des évolutions structurelles lourdes de conséquences sur leur financement et, à terme plus ou moins rapproché, sur la survie de certaines d'entre elles. Ces évolutions tiennent à la conjoncture budgétaire de l'Etat et à celle des collectivités territoriales et tiennent aussi à des réformes plus profondes comme celles consistant à supprimer la clause de compétence générale des départements et des régions ou bien induites par la réglementation européenne relative aux aides publiques.

Les contraintes budgétaires de l'Etat
Pour sa part, l'État réduit drastiquement ses subventions. Cela est vrai pour les crédits du Titre IV, les plus faciles à réduire, dans une situation budgétaire dont nul n'ignore les difficultés. Ce mouvement, entamé depuis plus de 20 ans, s'est considérablement accentué ces derniers mois. Pour procéder à ces réductions, l'État s'appuie souvent sur la politique dite « de révision générale des politiques publiques » à la suite d'audits qui, dans la plupart des cas, n'ont pas été menés dans la transparence non plus que dans le respect des règles de la procédure « contradictoire ».

Cette réduction des subventions de l'État prend souvent la forme d'une suppression de nombreux postes Fonjep, mode particulièrement efficace d'aide aux petites associations et à leurs regroupements. Elle touche particulièrement les regroupements associatifs, en se masquant derrière la priorité aux associations de terrain, alors même que la plupart d'entre elles ne peuvent développer leurs actions que si elles ont l'appui et le soutien d'unions ou de fédérations nationales ou régionales. Sinon, seuls les plus riches peuvent s'en tirer.

Les contraintes budgétaires des collectivités
Cette réduction intervient à un moment où les collectivités locales, touchées par les conséquences de la crise, notamment dans le domaine immobilier, voient leurs recettes diminuer et diminuent par répercussion les subventions qu'elles versent. Parallèlement, le fait que les lois de décentralisation successives se soient traduites par des transferts de charges sans transfert intégral des recettes correspondantes, a contraint un grand nombre d'entre elles à augmenter leur taux d'imposition. De son côté, le budget de l'action sociale pesant principalement sur les départements a considérablement augmenté et devrait encore s'accroître par l'effet de la réforme annoncée de l'Allocation Personnalisée d'Autonomie (APA).

Enfin, la réforme de la taxe professionnelle, effective depuis le 1er janvier 2010, devrait à terme avoir des répercussions sur les subventions allouées aux associations, particulièrement en zone rurale ou semi-rurale. Cette réforme dont la finalité est de réduire la charge fiscale pesant sur les entreprises, s'est traduite par l'instauration de deux impôts nouveaux : la cotisation foncière des entreprises (CET), assise sur la valeur locative des immeubles et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) assise sur la valeur ajoutée de celles-ci. La réunion des deux constitue la contribution économique territoriale remplaçant la taxe professionnelle dont l'assiette reposait sur l'ensemble des immobilisations. Si du fait de la taxe professionnelle pesait principalement sur les entreprises industrielles, la CVAE pèse davantage sur celles à forte valeur ajoutée. Or, les premières sont plus souvent localisées dans des zones semi-rurales et dans les communes et communautés de communes de petite et moyenne importance, alors que les secondes se trouvent dans des villes plus importantes. La réforme devrait donc favoriser ces dernières.

Toutefois et afin d'éviter une perte de recettes trop importante pour les premières, la loi a prévu un système de compensation intégrale par l'Etat en 2010, et à partir de 2011, grâce à un système « de garantie individuelle des ressources ». Mais cette compensation (dont le gel sur 3 ans annoncé) pèse déjà lourdement sur le budget de l'Etat. Il ressort d'un rapport Durieux (chargé d'évaluer les premiers effets de la réforme) que si la pression fiscale pesant sur les entreprises s'est allégée de 6,6 milliards d'euros, la contrainte du budget de l'Etat a été augmentée d'autant (et de plus de 1 milliard d'euros par rapport aux prévisions initiales).

Garantir la pérennité de cette compensation intégrale est donc sans doute à terme illusoire dans le contexte budgétaire actuel. La plupart des élus territoriaux s'inquiète déjà de sa disparition totale ou partielle. Celle-ci s'accompagnerait d'une diminution importante de recettes pour certaines communes ou communautés de communes de petite ou moyenne importance qui n'auraient alors d'autres choix que d'augmenter leurs impôts (et le budget des contribuables de ces communes est loin d'être extensible) ou de diminuer leurs dépenses. Le plus facile serait naturellement d'amputer les budgets d'intervention au détriment des associations.

La réforme des collectivités territoriales
La troisième menace, tout aussi grave, est la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions. De très nombreuses associations développent leurs initiatives dans les domaines social et culturel, en particulier parce qu'elles ont plusieurs sources de financement.

Les réduire drastiquement à un seul financeur mettra très probablement en péril leur fonctionnement. Par ailleurs la suppression des financements croisés accroitra certainement les risques « d'instrumentalisation » de nombreuses associations, dont l'indépendance est souvent liée à l'existence de plusieurs sources de subvention. Souvenons-nous du ministre de la Culture qui affirmait « on ne peut tendre la sébile et lancer un cocktail Molotov ». Les responsables associatifs ne jettent pas de cocktail Molotov. Ils souhaitent seulement garder leur regard critique et leur capacité d'innovation, tout en demandant à bénéficier de subventions pour leur action au service du plus grand nombre.

Les incidences du droit communautaire
La circulaire du Premier Ministre du 18 janvier 2010 relative aux relations entre les pouvoirs publics et les associations avait pour objectif de simplifier et de clarifier celles-ci. Tous ceux qui ont eux le courage de s'y plonger ont pu constater que cet objectif n'était pas totalement atteint. Elle concerne en premier lieu l'application aux associations de la réglementation européenne relative aux aides publiques, laquelle a vocation à concerner la grande majorité des associations désireuses d'obtenir un soutien financier d'une autorité publique dès lors qu'elles exercent une « activité économique », au sens communautaire du terme.

Au-delà d'une aide de 200 000 euros sur une période de 3 ans, l'association doit justifier qu'elle est explicitement chargée de l'exécution d'une obligation de service public et que la compensation financière est strictement proportionnée au coût occasionné par l'exécution de ladite obligation. Dans cette hypothèse, l'autorité publique doit notifier le concours financier envisagé à la commission européenne, sauf lorsque l'aide n'excède pas 30 millions d'euros par an ou que l'association a été retenue à l'issue d'une procédure de marché public ou dans le cadre d'une délégation de service public. Dans le cas où l'association perçoit un concours supérieur à 23 000 euros, celui-ci doit faire l'objet d'une convention pluriannuelle d'objectifs.

La circulaire distingue deux cas de figure :
1. soit l'association est à l'initiative du projet et elle peut percevoir une subvention ;
2. soit la collectivité est à l'origine de celui-ci et l'on doit respecter soit la procédure d'appel d'offres propre aux marchés publics soit celle spécifique à la délégation de service public.

Dans la période de fin d'année où un grand nombre d'associations est en train de négocier ses aides pour l'exercice 2011, il est fort à parier que cette « simplification » ne conduise un certain nombre de collectivités à la prudence ou donne l'occasion à certaines d'entre elles de remettre en cause les aides régulièrement renouvelées depuis de nombreuses années. D'autres menaces ont été écartées - temporairement ?

D'autres menaces ont été écartées temporairement ?
Pour les associations (et les fondations), l'assimilation affirmée pour certains du caractère de « niche fiscale » des dons faits à celles d'entre elles qui font appel à la générosité du public est un pur mensonge. Les dons versés ne sont qu'une autre façon de payer l'impôt.

Remettre en cause la déduction fiscale au moment même où les subventions de l'État et des collectivités locales sont en réduction entrainerait la mise en faillite de très nombreuses structures et mettrait en péril notre tissu social. Ceci étant, de telles évolutions seraient dans la ligne du dédain que manifestent certains décideurs à l'égard du monde associatif. Il suffit de regarder les conditions dans lesquelles ont été effectuées des récentes nominations au Conseil économique, social et environnemental !

En savoir plus
La Fonda est une association de personnes dont l'objet est de valoriser et promouvoir les initiatives citoyennes en faveur du developpement économique, social et démocratique de notre société. Elle conduit des travaux d'analyse et de propositions par le biais de groupes de travail, de son site internet - plateforme d'élaboration collaborative à distance, de séminaires et colloques, d'études et experimentations.
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