Nous sommes tous dépossédés
Quel point commun existe-t-il entre la ZAD du barrage de Sivens, un chômeur de longue durée, un cadre supérieur qui craque, des ouvriers en grève, une association sans financement, les larmes d'un enfant, une femme battue, un électeur trompé, etc : la dépossession.
Cette réflexion nous est venue alors que nous participions à la "kermesse associative" organisée par le Collectif des associations citoyennes le 6 novembre dernier. Il s'agissait d'interpeller les députés lors du vote du budget 2015 afin que la part des subvention ne soit pas à nouveau la variable d'ajustement bien pratique.
Nous n'étions vraiment pas nombreux. Et les passants devaient s'interroger sur les raisons qui poussaient ce groupuscule gesticulant à occuper ainsi un tout petit bout de l'immense esplanade des Invalides...
Or au lieu de penser, fort logiquement pourtant, à l'échec du rassemblement, nous est venue l'idée qu'il s'agissait plutôt d'un succès. Oui, un succès !
Pour la première fois, des responsables associatifs se réunissaient, non pas par corporatisme, mais simplement pour continuer à exister. Ce que nous ne voulions pas, c'était être dépossédé de ce qui nous fait, de ce qui nous lie, de ce qui nous rassemble au lieu de nous séparer.
Nous faisons tous le même constat : on ne parvient plus à réagir
Tout ce qui arrive semble tellement plus fort que nous, qu'un sentiment d'impuissance nous envahit et nous paralyse. Que faire contre le réchauffement climatique, le grand marché transatlantique, le chômage de masse, la paupérisation d'une grande partie des gens de ce pays, la violence des quartiers, la misère des sans papiers, l'abandon des réfugiés en pleine mer et j'en oublie... Cette impuissance nous anesthésie et il n'y a aucun leader politique capable de donner un sens, une direction, un espoir.
La dépossession, notre dénominateur commun
Or, ce qui nous rassemble est bien le fait d'être dépossédé. Nous sentons confusément que l'on nous vole quelque chose de primordial. Notre capacité à résister ? Notre sens du partage et de la justice ? Notre humanité ? Sans doute tout cela à la fois... Il nous faut réfléchir et réorienter nos vies pour récupérer ce qui nous a été dérobé.
En écrivant ces lignes, je pense à la chanson d'Alain Souchon, "Foule sentimentale" :
Oh la la la vie en rose
Le rose qu'on nous propose
D'avoir les quantités d'choses
Qui donnent envie d'autre chose
Aïe, on nous fait croire
Que le bonheur c'est d'avoir
De l'avoir plein nos armoires
Dérisions de nous dérisoires car
Foule sentimentale
On a soif d'idéal
Attirée par les étoiles, les voiles
Que des choses pas commerciales
Foule sentimentale
Il faut voir comme on nous parle
Comme on nous parle...