Le sauveur du monde est dans la rue

01-11-2011  LIBRE
Cet article concerne bien les associations, ne vous inquiétez pas. Mais, il nous faut faire un peu l'historique d'une situation pour aborder par la suite, le coeur du problème... La pièce de théâtre Sul concetto di volto nel figlio de Dio - Sur le concept du visage de Dieu - de Romeo Castellucci est le cadre d'un affrontement particulier sur les marches du théâtre de la ville à Paris depuis le 20 octobre. La mise en scène prévoit des enfants qui jettent des grenades en plastique sur la reproduction géante du Salvator Mundi - Sauveur du monde - peint par Antonello da Messina. C'est cette scène qui a poussé les intégristes chrétiens dans la rue car ils y voyaient une atteinte blasphématoire à l'image du christ.

Depuis plusieurs semaines, les milieux intégristes catholiques (et notamment l'institut Civitas (2), lié à la Fraternité Saint-Pie-X) ont lancé, dans la foulée de leurs actions très médiatiques contre l'exposition de la photographie Piss Christ à Avignon, une vaste campagne contre cette pièce en jouant l'amalgame avec une autre pièce "Golgota Picnic" de Rodrigo García qui entend, quant à lui, ouvertement attaquer l'iconographie chrétienne, image selon lui de la "terreur et de la barbarie".

Nous n'avons pas vu ces deux pièces. En règle générale, ce genre de tartufferie ne nous intéresse guère...

Mais, ce qui est intéressant, c'est le retour de la "christianophobie".
L'usage de ce terme est très fréquent dans la cathosphère. Il constitue à priori une réaction au traitement par les médias de l'Eglise et du Pape. Mais ce mouvement manifeste surtout une forme de rejet viscéral de la laïcité qui est revenue en force ces derniers temps pour tenter de remettre l'expression religieuse dans la sphère privée, sphère qu'elle n'aurait jamais dû quitter... Enfin, il semble que de manière générale, ce mouvement traduit la prise de conscience par les catholiques qu'ils sont en train de devenir une minorité, et il exprime une tentative de renverser le cours des choses.

Et c'est là que les associations interviennent...
Car, ce mouvement puise ses ressources aussi bien humaines que financières dans la mise en place de réseaux constitués d'écoles hors contrat sous forme associative et soutenues par des fondations caritatives particulières (lire notre article du 31-08-2010 Etrange reconnaissance d'utilité publique de la Fondation pour l'école (privée). Ces réseaux peuvent également s'appuyer sur des élus et sur certains députés. D'ailleurs, l'institut Civitas (2) possède un service "Civitas Elus Locaux".

Voici donc la demande d'un député (1), M. Yves Nicolin (député UMP - Loire) à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.

Celui-ci s'étonne "que de nombreuses écoles hors contrat ayant un statut d'association à but non lucratif se voient refuser par l'administration fiscale la possibilité d'émettre des reçus fiscaux, ce qui freine leur politique de collecte de dons alors qu'ils constituent leur seule ressource, avec les frais de scolarité versés par les parents".

Toujours selon lui, "ces écoles correspondent aux critères posés par l'article 200 du code des impôts selon lequel « ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements » effectués au bénéfice « de fondations ou associations reconnues d'utilité publique [...] d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère [...] éducatif » ou d'organismes « dont la gestion est désintéressée et qui reversent les revenus tirés des dons et versements » à des fondations ou associations reconnues d'utilité publique ou à des oeuvres ou organismes d'intérêt général ayant un caractère éducatif".

Il se plaint du fait que "le directeur des services fiscaux d'Indre-et-Loire interprète de manière restrictive l'article 200 du code des impôts en précisant que « les établissements hors contrat n'ouvrent pas droit à l'avantage fiscal » car « il n'est en effet pas possible de reconnaître le caractère d'intérêt général à des organismes dont les méthodes pédagogiques ne sont pas reconnues par les services du ministère de l'éducation nationale".

Il souhaite donc "que la volonté du législateur soit respectée par les services fiscaux" et demande au ministre "de bien vouloir lui faire connaître sa position sur ce sujet"

Le ministre, dans une réponse du 25/10/2011 fait connaître la position de l'Etat sur un sujet aussi "sensible"...
Aux termes des articles 200 et 238 bis du code général des impôts, ouvrent droit à une réduction d'impôt les dons et versements effectués au profit d'oeuvres ou d'organismes d'intérêt général poursuivant notamment un objet à caractère éducatif.

La condition d'intérêt général implique que l'activité de l'oeuvre ou de l'organisme ne soit pas lucrative et que sa gestion soit désintéressée, au sens de l'instruction fiscale du 18 décembre 2006 publiée au Bulletin officiel des impôts sous la référence 4 H-5-06. En outre, l'organisme ne doit pas fonctionner au profit d'un cercle restreint de personnes.

Par ailleurs, le versement, qu'il s'agisse d'un don ou d'une cotisation, doit être effectué à titre gratuit, sans contrepartie directe ou indirecte au profit de son auteur, telle que cette notion a été précisée par l'administration dans l'instruction du 4 octobre 1999 publiée au Bulletin officiel des impôts sous la référence 5 B-17-99.

Conformément aux termes de la doctrine administrative, sont considérés comme revêtant un caractère éducatif, les établissements d'enseignement qui concourent à la transmission directe d'un savoir et assurent ainsi aux élèves le développement de leurs capacités physiques, intellectuelles et morales.

Pour les établissements d'enseignement privé, cette condition est considérée comme remplie lorsque les méthodes pédagogiques de ces établissements sont reconnues par les services du ministère de l'éducation nationale.

Tel n'est pas le cas des établissementsprivés hors contrat d'association avec l'Etat.

En effet, dans les établissements privés qui ont passé un contrat d'association, l'enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'État.

L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience.

Tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinion ou de croyances, y ont accès » (art. L. 442-1 du code de l'éducation).

Le contrat d'association mentionné à l'article L. 442-5 du code de l'éducation suppose que "dans les classes faisant l'objet du contrat, l'enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public. Il est confié, en accord avec la direction de l'établissement, soit à des maîtres de l'enseignement public, soit à des maîtres liés à l'État par contrat".

Ce contrôle n'est pas assimilable au contrôle minimal qu'exerce l'État sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'État par contrat, contrôle limité "aux titres exigés des directeurs et des maîtres, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, au respect de l'ordre public et des bonnes moeurs, à la prévention sanitaire et sociale" (art. L. 442-2 du code de l'éducation).

Par conséquent, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres conditions, les dons effectués au profit d'association gérant un établissement privé hors contrat ne sont pas éligibles aux réductions d'impôt accordées au titre du mécénat.

Notre avis
C'est l'une des rares fois où l'envie d'applaudir une réponse ministérielle n'est pas ironique. Bravo à ce ministre qui a su trouver les mots pour le dire. On devrait afficher cette réponse devant le Théâtre de la ville à Paris.

En savoir plus
(1) Question posée par M. Yves Nicolin (député UMP - Loire) à Mme la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, mais aussi par Vanneste Christian (UMP - Nord), Roubaud Jean-Marc (UMP - Gard), Souchet Dominique (NI - Vendée), Mathis Jean-Claude (UMP - Aube), Luca Lionnel (UMP - Alpes-Maritimes), Pinte Étienne (UMP - Yvelines), Boyer Valérie (UMP - Bouches-du-Rhône). Tous ces députés (sauf Yves Nicolin) font partie du Collectif parlementaire de la Droite populaire.

Le Collectif parlementaire de la Droite populaire, aussi connu sous le nom de Collectif parlementaire pour la liberté d'expression, est un groupe parlementaire rassemblant 42 députés français membres de l'UMP cherchant à mettre en avant certaines thématiques, notamment sur l'identité française, la sécurité ou l'immigration.

(2) L'Institut CIVITAS est un mouvement politique inspiré par le droit naturel et la doctrine sociale de l'Église et regroupant des laïcs catholiques engagés dans l'instauration de la Royauté sociale du Christ sur les nations et les peuples en général, sur la France et les Français en particulier.
www.civitas-institut.com



Depuis 1999 au service des associations
Jurisprudence, décrets, lois, etc.

De la mission bénévole à la prestation de service

19-11-2024

La prestation de services n'a pas pour objet de transférer la propriété d'un bien matériel à la différence de la vente d'un produit. L'association ne reçoit rien et ne transmet

De l'équilibre des comptes pour une demande de subvention

19-11-2024

Les comptes d'une association doivent-ils être équilibrés pour demander une subvention ? En fait, la réponse est beaucoup plus complexe qu'il n'y parait. Légalement, rien ne

Accepter la présidence d'une association : soyez prudent

19-11-2024

Devenir président d'une association, quelle que soit sa taille, est tout à la fois un honneur et une charge. Les dispositions légales et statutaires qui encadrent les obligations

Panorama associatif numéro 113 : novembre 2024

12-11-2024

Le Panorama associatif de Loi1901 a pour objectif de vous détailler plusieurs mesures qui ne peuvent pas faire l'objet d'un article complet, à l'unité, car trop courtes. Au

Associations culturelles : le poids économique direct de la culture

12-11-2024

Le poids économique direct de la culture, c'est-à-dire la valeur ajoutée de l'ensemble des branches culturelles, s'établissait à 47,1 milliards d'euros en 2022. Plus étonnant

Fédérations sportives : du rififi dans les licences

12-11-2024

Les fédérations sportives, constituées sous la forme associative et au nombre de 122, ont pour objet l'organisation d'une ou plusieurs disciplines sportives, dont elles gèrent la

La comptabilité analytique est-elle utile aux associations ?

05-11-2024

La comptabilité analytique est utile, voire même indispensable, pour les associations dont le budget annuel dépasse les 80 000 euros. La "compta ana" est un mode de traitement des

Le bénévolat occasionnel : une source de problèmes ?

05-11-2024

Derrière ce titre volontairement provocateur se cache une réalité qui commence à poser de sérieux problèmes au sein des structures associatives. Certes, selon une étude de

Le tribunal des activités économiques concerne aussi les associations

05-11-2024

Les tribunaux des activités économiques a vu le jour par la loi 2023-1059 du 20 novembre 2023 (1). Ce texte a lancé, à titre expérimental, et pendant 4 ans, de la transformation

Gare au contrôle fiscal quand votre activité associative se rapproche trop de l'entreprise

29-10-2024

La lutte contre la fraude fiscale est un enjeu majeur pour le redressement des comptes publics. Une association peut, en vue de favoriser les échanges et les rencontres avec

Découvrir 10 autres articles
La société dans tous ses états

Comment sortir de la crise démocratique : RAEF 2024 ?

19-11-2024

Le Rapport Annuel sur l'Etat de la France 2024 du CESE (1) tente de mettre en lumière les liens entre inégalités sociales et démocratie. Même si l'on peut noter un léger recul de

Comme un plan social à bas bruit

12-11-2024

Si le gouvernement refuse les 472 amendements déposés par les oppositions pour le budget 2025 et revient au texte initial avec un passage en force par 49.3, le secteur de

Contre la pauvreté, agir coûte moins cher que de ne rien faire

05-11-2024

La pauvreté coûte un "pognon de dingue" disait le 12 juin 2018, le président Macron à ses conseillers et rapidement "fuité" sur @X, histoire de faire le buzz et de préparer les

De la subvention à la commande publique : fragiles associations

29-10-2024

Les modèles socio-économiques des associations ont fait, par le passé, l'objet de débats importants. Mais aujourd'hui, elles semblent n'avoir que peu de place dans la Startup

Les faibles inégalités salariales au sein du secteur associatif

22-10-2024

Selon le baromètre des salaires de l'ESS, dans son édition 2024, le secteur associatif est marqué par de faibles inégalités salariales. Ce qui est plutôt remarquable. En revanche,

Le Service national universel ciblé par la Cour des comptes

15-10-2024

Le SNU, qui émarge au budget "jeunesse et vie associative", est expérimenté depuis 2019 pour une généralisation à tous les jeunes de 15 à 17 ans d'ici 2026. Mais la Cour des

Les dérives sectaires ne se reposent jamais

08-10-2024

Il n'y a pas de définition légale de la dérive sectaire. Mais la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) a élaboré une

L'association Anticor retrouve enfin son agrément

01-10-2024

Après plus d'un an de lutte devant la justice, Anticor a enfin retrouvé son agrément anticorruption. C'est par un simple arrêté que le 5 septembre 2024, Gabriel Attal a renouvelé

Inaction climatique : quand l'insuffisance entraîne la condamnation

24-09-2024

Nous assistons à la montée des eaux, à la fonte des glaces, à la multiplication des évènements météorologiques extrêmes, tandis que les espèces animales et végétales disparaissent

Relations avec l'administration : de nouvelles simplifications pour les OSBL

17-09-2024

Un OSBL est un Organisme Sans But Lucratif, connu également sous le sigle OBNL pour Organisme à But Non Lucratif. Il existe de nombreuses formes d'organisations à but non

Découvrir 10 autres articles
Un peu d'ESS dans nos associations

Et si on réinventait le système des subventions aux associations ?

19-11-2024

En septembre 2023, un collectif d'associations interpellait fermement la première ministre, Elisabeth Borne, avec un tonitruant "Le secteur associatif se meurt !". Au même

Quand la ruralité se réveillera

12-11-2024

Et si l'heure n'était plus à l'attentisme dans les territoires ruraux ? Les élus comme les acteurs associatifs ont lancé, il y a plusieurs années déjà, une solide réflexion autour

Le succès du service civique

05-11-2024

Alors que le SNU (Service National Universel) semble, à juste titre, vivre ses derniers jours, le Service Civique ne s'est jamais aussi bien porté. Créé par la loi du 10 mars

Quand un accord collectif est remis en cause

29-10-2024

La nullité des conventions et accords collectifs de travail reste un contentieux rare et assez récent, ce qui s'explique, en partie, par l'objet traditionnel de ces actes qui est

Fonds de dotation : les temps changent

22-10-2024

Le fonds de dotation est un organisme dit de "mécénat". Il est destiné à collecter des dons pour aider une structure à but non lucratif à réaliser une oeuvre ou une mission

Programmation 2021-2027 des fonds européens : place de l'ESS

15-10-2024

Tous les sept ans, l'UE révise la stratégie d'attribution des fonds européens pour répondre aux nouveaux défis de l'Union européenne ainsi qu'aux enjeux des territoires et des

Loi ESS : une décennie de transformations pour un anniversaire en demi-teinte

08-10-2024

2014 - 2024, la loi du 31 juillet 2014 relative à l'Économie Sociale et Solidaire, dite Loi ESS, fête ses 10 ans. Portée par Benoît Hamon, alors ministre délégué chargé de

L'économie sociale et solidaire dispose de son ministère

01-10-2024

On ne connaît pas exactement la durée de vie du gouvernement Barnier. En revanche, nous pouvons saluer le fait que l'économie sociale et solidaire (ESS) retrouve un portefeuille

La franchise sociale ou l'art de cultiver l'intérêt général

24-09-2024

La maîtrise de concepts comme l'utilité sociale, l'intérêt général ou encore l'utilité publique est absolument fondamentale pour le secteur associatif. Il est, à ce titre,

Financement d'une association : il faut utiliser les bons outils

17-09-2024

Les créateurs d'une association pensent souvent qu'il suffit de demander des subventions pour démarrer. Sans un premier bilan de ses actions à présenter, une association n'aura

Découvrir 10 autres articles
Abonnez-vous à Lettrasso+